Linux, le système d’exploitation d’usage libre produit par une communauté de hackers continue sa progression. Aux raisons connues qui contribuent au succès de cet OS (faible coût, fiabilité) il faut maintenant ajouter le fait que c’est l’arme vers laquelle se retournent les adversaires que Microsoft se fait à mesure qu’elle prétend gagner de nouveaux marchés.
San Francisco, 3.fév.03
Après avoir fait son trou dans le monde des serveurs (une enquête du groupe britannique Butler prévoit qu’il pourrait devancer les autres serveurs Unix et ainsi s’imposer comme le premier système pour serveurs en 2009), l’OS du pingouin commence à mettre le pied dans la porte qui donne accès aux ordinateurs personnels, chasse gardée de Microsoft. Windows contrôle maintenant près de 95% du marché. Mais Linux approche les 2% des systèmes vendus (l’enquête ne tient pas compte des systèmes téléchargés gratuitement qui, dans le cas de Linux, occupent une place considérable) et devrait occuper la seconde place dès l’année prochaine.
Raisons d’un succès
L’avancée est due à la mise en circulation de différentes versions telle Lindows spécialement conçue pour les consommateurs ordinaires. Contribution essentielle, la chaîne de grands magasins Wal-Mart a mis en vente de simples PC équipés en Linux pour 199 dollars. Plusieurs sociétés proposent maintenant des applications d’usage facile. C’est le cas de Ximian du Mexicain Miguel de Icasa et de son programme Evolution qui réalise des tâches comparables à Outlook. La suite Crossover Office de CodeWeavers permet à différentes applications conçues pour Windows de fonctionner sur une machine équipée Linux.
Mais l’avancée de Linux sur le marché des PC ne peut qu’être lente dans la mesure où la plupart des décisions d’achats sont motivées par le choix d’applications que l’on trouve pour un OS plus que par les vertus du système lui-même. Et dans ce domaine, le chemin à rattraper est considérable.
Une enquête menée par ZDnet donne une idée des principales motivations des utilisateurs de Linux pour serveurs. Côté technique on trouve la stabilité. Côté financier il y a le faible prix d’achat. Le coût total de propriété (Total cost of ownership) donne lieu, par contre, à des discussions acharnées.
Début décembre, le cabinet d’études IDC publiait une étude – financée par Microsoft – selon laquelle sur cinq ans Windows est souvent moins cher que Linux. On ne peut s’empêcher de faire la liaison avec le fait qu’un mémo interne de Microsoft (publié sur le site de OpenSource.org) a fait état d’une enquête menée par la société entre juillet et septembre 2002 selon laquelle « en termes généraux, les personnes ayant répondu au questionnaire pensent que la raison la plus convaincante pour soutenir les logiciels Open source sont qu’ils offrent un faible coût total de propriété. »
Le fait est que le coût de la main d’œuvre nécessaire à l’entretien de machines équipées Linux peut être élevé dans la mesure où les techniciens compétents sont plus difficiles à trouver et doivent souvent posséder un niveau de connaissances plus élevé.
Une arme commune pour les adversaires de Microsoft
L’élément le plus intéressant derniers mois c’est qu’un grand nombre de concurrents de Microsoft qui luttent chacun pour sa propre marque semblent trouver dans Linux une arme commune. Après IBM, Sun Microsystems, par exemple, qui a longtemps gardé ses distances avec une solution concurrente de sa plate-forme Solaris propose depuis février dernier des serveurs équipés Linux.
Mais, en décembre, l’adoption de Linux comme alternative commune a reçu un coup de pouce notable avec l’annonce faite par Sony et Matsushita, les deux géants japonais de l’électronique, de leur décision de développer ensemble un OS basé sur Linux pour la mise en réseaux de leurs appareils ménagers.
Il s’agit d’une conséquence naturelle de l’expansion tous azimuts de Microsoft, depuis les jeux électroniques jusqu’à la téléphonie cellulaire. L’élément nouveau c’est que ces entreprises établies occupent une position dominante sur leurs marchés respectifs, qu’elles jouissent de la confiance des usagers, et qu’elles disposent de réserves financières solides. Elles pourraient être plus difficiles à terrasser qu’Apple ou Netscape.