Article publié dans le supplément Science&Techno du Monde daté du 28 juin
Israël a deux des éléments clés pour réussir dans les technologies de l’information : des prix Nobel (témoins de la qualité de l’enseignement de haut niveau) et de l’argent prêt à s’investir dans des entreprises à risques. N’est-ce pas ce qui fait la force de Silicon Valley?Reste à faire se rencontrer les deux. Telle est la fonction de Yissum, une entreprise créée en 1964 par l’Université Hébraïque de Jérusalem avec pour objectif de « protéger et commercialiser » la propriété intellectuelle générée par ses professeurs.Vice président de la recherche pendant 8 ans Hervé Bercovier a participé activement à la gestion de la société. « Toute création liée à son domaine d’activité par un professeur appartient à l’université qui la donne à Yissum, » m’a-t-il expliqué. » Yissum vérifie d’abord si elle est brevetable. Elle se charge ensuite de la vendre. En cas de réussite, elle lui reverse 40% des revenus et donne 20% à son laboratoire. » Ça permet à l’université de remplir ses coffres mais le but fondamental, selon Bercovier, est de « tester des idées ».Résultat affiché sur le site de la société : 7.000 brevets et 72 sociétés créées. Les produits commercialisés par Yissum « génèrent plus de 2 milliards de dollars de ventes annuelles ». De quoi faire réfléchir.L’état – dont on tend trop souvent à minimiser le rôle, y compris à Silicon Valley – a su créer très tôt les conditions de mobilisation d’importantes ressources financières. Créé en 1993, le programme le plus connu, Yozma (initiative en hébreu) fonctionne sur 2 critères: l’état ajoute une moitié au capital réuni par les investisseurs privés mais, s’ils réussissent, ces derniers peuvent racheter à bas pris la part publique au bout de 5 ans. Comme l’écrivent Dan Senor et Saul Singer dans leur livre « Start-up Nation« , « le gouvernement partageait les risques [et] offrait toutes les récompenses aux investisseurs ».Cette démarche a permis d’attirer des investissements effectués par les plus grosses sociétés: Intel, Microsoft, Google, HP, etc.A cela il faut ajouter un moment clé pour susciter l’engouement des investisseurs, celui où quelqu’un vend une startup à laquelle personne ne croyait pour ce qui semble une fortune. C’est arrivé en 1998 avec la vente pour 400 millions de dollars à AOL d’un petit programme de tchat né Mirabilis et devenu ICQ. »Je suis dans les startups depuis mon adolescence » m’a déclaré Yossi Vardi, père de l’un des fondateurs de Mirabilis (et investisseur). « Je ne comprenais pas pourquoi cent mille personnes téléchargeaient le programme et j’ai décidé de déchiffrer ce mystère. Ça m’a pris trois ans pour en faire une théorie unifiée de l’expérience utilisateur ». Sans qu’il soit possible de déterminer l’importance de cette recherche dans sa fortune, Vardi réussit plus que bien.Le succès du pays « se doit à l’alliance entre beaucoup de petites entreprises locales et les grosses multinationales en quête d’innovation ». Il estime qu’Intel a investi dans 54 startups et IBM dans 11. « Elles apportent leur capacité managériale, » dit-il, « et nous offrent l’accès au marché global, » toujours difficile quand on parle d’un pays de petite taille.Jeremie Berrebi, qui gère le fond Kima Ventures avec Xavier Niel (actionnaire du journal Le Monde) est d’accord pour dire que « la capacité des fondateurs de tenir le choc face aux propositions qui arrivent en cours de route est clairement un des plus gros problèmes quand on investit tôt ». Mais il estime aussi qu’il y a assez de grosses opérations (en centaines de millions de dollars) pour que les reventes rapides soient bienvenues.Les startups israéliennes sont assez prometteuses pour attirer les investisseurs du monde entier, pas encore assez puissantes pour se transformer elles-mêmes en succès mondiaux. Vu d’ailleurs c’est un paradoxe plutôt salutaire.