Ils ont d’abord accès à ce que les posteurs ont mis sur leur page perso. On y trouve, comme sur le net, des choses sans intérêt mais aussi quelques perles. Leur première tâche est donc de trier.
Heureusement il y a les habitués.
Un des plus connus s’appelle Tian . Il opère dans le sud-ouest mais surveille tout ce qui bouge un peu partout dans l’hexagone. Après la lecture des quotidiens, la première chose que fait Céline Rastello c’est de lire ce qu’il a repéré pour éventuellement le pousser en « une ».
Une autre façon de procéder (ils passent tous de l’une à l’autre) consiste à suivre les billets réunis sous un certain tag (ou étiquette). Alexandre Lemarrié Lemarié, par exemple, vérifie le tag « politique » pour voir ce que les posteurs invités ou autres ont trouvé dans ce domaine.
Ils font donc l’aller et retour constant entre les pages des habitués qu’ils connaissent, la page où s’affichent « tous les posts » et les tags qui correspondent aux sujets qu’ils suivent. Car, au Post, chacun des journalistes est responsable d’un secteur. Lemarrié Lemarié pour la politique, Rastello pour les faits divers, Aude Courtin pour la médecine les médias, Julien Jouanneau pour le pôle « local », etc.
Il y a aussi un desk qui tourne de 7h à 21h avec pour responsabilité la « une », le repérage des infos les plus importantes quand l’équipe n’est pas là, la rédaction des « antisèches » du jour (les 5 nouvelles les plus importantes) ou des approches plus pédago du genre « comprendre… » le climategate, la modération etc. Une façon utile de donner du sens au journalisme de lien.
Tous les billets sont accompagnés d’un timbre de couleur pour indiquer qu’il s’agit d’une « Info brute », d’une « Info invités » (marque de confiance), « Vu en Une », « Info vérifiée » et « Info rédaction ».
Ces timbres indiquent quelque chose de spécifique et d’essentiel: toutes les infos qu’on trouve sur LePost n’ont pas la même valeur, et ces balises permettent de s’y retrouver. On peut regretter que tout soit qualifié d’ « info » car beaucoup de contributions de valeur sont des opinions et presque toutes mélangent les deux, mais LePost n’est sûrement pas, en France, la seule victime de cette confusion.
La vérification est la partie la plus délicate de ce processus essentiellement artisanal. « Ça ne tombe pas du ciel » sourit Alexandre Piquard, le rédacteur en chef adjoint, quand il en parle. Le premier filtre tient à la connaissance des posteurs. Les plus difficiles sont ceux qui se trompent de temps en temps ou se laissent aller au « copier-coller » interdit par la charte maison . Une rapide vérification sur Google (effectuée systématiquement) suffit en général à s’assurer de l’originalité du contenu.
Ensuite vient la mécanique rodée par l’expérience: connaître ou vérifier l’identité, l’historique, la réputation de celui ou de celle qui poste ainsi que les aspects factuels du texte (lieu, date, personnages, etc.). L’information est recoupée avec d’autres médias identifiables. Puis vient la partie humaine qui consiste à prendre contact avec le posteur quand on ne le connaît pas – ceux qui ne répondent pas ne vont pas loin – et la vérification avec les voisins ou la gendarmerie quand il s’agit d’un fait divers. Pour les sujets politiques « j’ajoute au travail de la communauté » m’a expliqué Alexandre LemarriéLemarié. « Je fais ce qu’ils ne peuvent pas faire ». J’appelle le ministre ou son cabinet. »
Les posteurs dont on cherche à vérifier l’info sont immédiatement avertis par courriel et consultés sur les modifications sérieuses, une procédure dont je n’ai presque jamais bénéficié en quarante ans de journalisme dans les médias français.
« Chaque étape a l’air débile, » raconte Piquard, « mais elles sont logiques. Ça demande beaucoup de bon sens et un faible niveau technique ». Le seul outil « miracle » auquel ils aient recours est Tineye.com, un site qui permet de retrouver si une photo a déjà été utilisée (voir modifiée) ailleurs.
Il est de bon ton de critiquer la nature des infos qu’on trouve sur LePost, mais c’est peut-être aujourd’hui un des médias qui vérifie le plus en détail les informations qu’il publie.
« Nous sommes plus plongés que d’autre dans la matrice bordélique du web, » explique Piquard, « alors on fait plus attention à ce qu’on trouve. Quand une info provient de l’AFP [que LePost ne reçoit pas] il est plus facile d’avoir confiance. Tout vérifier reste difficile, notamment en raison du paramètre vitesse qui est essentiel et dont souffrent tous les médias aujourd’hui. Notre système pousse à une culture du doute et à une pratique de la vérification. C’est essentiellement un état d’esprit. »
A suivre…