Article original publié sur le blog SFRFaisons du numérique une chance
Piqué, Krishnan a fait ses recherches. Il s’est entretenu avec parents et professeurs, aux États-Unis et en Inde et s’est rendu compte de l’énorme opportunité qui s’offrait à lui.
« Les États-Unis ont un nombre record de Prix Nobel et de brevets. Ils ont les meilleurs universités du monde, mais leurs écoles sont en crise, » m’a-t-il confié dans son modeste bureau de Bangalore. « Tous les dirigeants politiques veulent en relever le niveau. Les professeurs sont bons. Les écoles sont bonnes, mais il y a quelque chose qui ne marche pas. »
Sa réponse : mettre en place un système de tutorat – de cours particuliers – à distance permettant aux élèves (américains pour la plupart) de se mettre en contact avec des professeurs (le plus souvent indiens) pour qu’ils les aident à faire leurs devoirs aussi bien qu’à préparer leurs examens.
« La difficulté ne provient pas des curriculums, » explique-t-il, « on les trouve en ligne, mais des méthodes d’enseignement. En Asie on pratique plutôt la répétition et aux États-Unis, l’exemple. » Il faut donc former les tuteurs (plus de 2000 aujourd’hui), tous professeurs dûment diplômés. Ça se fait en 3 semaines (60 heures) à distance en se servant de la même plateforme que pour les élèves.
Très complexe, la dite plateforme a demandé 2 ans de développement. « Elle renferme tous les départements d’une Université, » explique Krishnan. Depuis le portail sur le net jusqu’aux systèmes de paiement en passant par les outils de collaboration et de prise de rendez-vous. « 50 personnes y travaillent à plein temps, elle ne peut pas s’arrêter, ce serait comme une université qui fermerait ses portes. »
Les étudiants – 20.000 à chaque moment en moyenne – s’y connectent quand ils veulent en suivant la modalité de leur choix: en prenant rendez-vous à l’avance avec un tuteur donné ce qui leur permet d’avoir toujours le même (ce qu’ils font dans 60% des cas) ou en demandant l’aide immédiate d’un de ceux qui sont en ligne quand ils sont bloqués par un problème.
Attention, TutorVista, n’est pas une organisation charitable. C’est une « entreprise d’éducation virtuelle » explique Ganesh Krishnan. Il a donc fallu trouver un modèle d’affaire qui marche. L’audace a été de ne pas mesurer le temps mais de proposer un forfait simple et bon marché : 100 dollars par mois pour un temps illimité (24/7, bien entendu) alors que les cours particuliers peuvent atteindre 40 voir 60 dollars de l’heure sur place. Ça a permis d’en faire la plus grosse entreprise de tutorat à distance et de lancer sur le même principe SmartThinking.com, destiné à offrir les mêmes services dans l’enseignement supérieur.
En 2011, Pearson, la plus grosse entreprise d’éducation dans le monde, a pris une participation de 77% dans le capital de TutorVista. « Ça leur donnait accès au marché indien ce qui est bon pour eux, » m’a répondu Krishnan quand je lui ai demandé ses raisons, « et ça me permet, par leur intermédiaire de proposer mes services dans le monde entier. »
Krishnan voit le tutorat en ligne comme une opportunité offerte par globalité et technologies de l’information. Ça marche grâce à la réputation de sérieux et de forts en math des Indiens qui, en plus, parlent anglais. Mais il y a toujours la question de l’accent. « Aucun problème » a répondu une mère lors d’une émission de radio, « mon fils l’a vite appris au cours des premiers mois. »