Ah les villes ! il ne suffit pas d’en parler, de s’en soucier, de vouloir les rendre « intelligentes » en ayant recours à la participation citoyenne comme aux technologies, ni même en se préoccupant de réduire leur impact sur l’environnement. Nous oublions trop souvent qu’elles sont un facteur d’accroissement des inégalités. En leur sein et du fait des différences qu’elles créent avec le reste des territoires.
Il y a peut-être pire. Pascal Butterlin, professeur d’archéologie du Proche-Orient ancien à l’université Paris-I et directeur de la mission archéologique française de Mari (Syrie), estime que leur émergence en Mésopotamie au IVéme millénaire avant notre ère correspond à la « cristallisation » d’un certain degré d’organisation sociale. Dans le même article publié dans Le Monde du 25 janvier 2018, Jean Guilaine, Professeur au Collège de France, s’appuie sur leur création, peu de siècles plus tard en Égypte, pour souligner que « toutes ces émergences sont plus ou moins liées à de rapides accélérations vers une pyramide sociale renforcée ».
L’urbain serait-il donc synonyme d’inégalités ? Impossible d’éluder la question. Difficile d’y répondre rapidement. Il appartient aux historiens d’en débattre. Mais, sans attendre le résultat de leurs travaux, nous devons déjà nous demander dans quelle mesure l’intelligence dont nous voulons enrichir nos villes aujourd’hui peut contribuer à les rendre moins inégalitaires. Sinon, de quoi servirait-elle ? C’est sur ce thème que nous vous proposons une journée de réflexion qui se tiendra à l’Hôtel de ville de Lyon le 17 mai.
Les prix de l’innovation urbaine
Cette journée sera aussi l’occasion de remettre, pour la troisiéme fois les prix européens de l’innovations urbaine Le Monde-Smart Cities. C’est la troisième année que nous le faisons. Un peu tôt pour parler de maturité, mais assez pour constater une réelle consolidation. Plus de candidats se sont inscrits et un processus de filtrage plus rigoureux nous a permis d’en retenir 181 dans six catégories : Participation citoyenne, Mobilité, Énergie, Innovation urbaine, Habitat/Urbanisme et Action Culturelle. Plus exigeant, notre jury a décidé de ne pas accorder un prix et deux accessits dans toutes les catégories.
Le Grand Prix, désigné par le jury et puisé parmi l’ensemble des candidats, toutes catégories confondues, a été attribué à Transfermuga, une offre complète de mobilité transfrontalière entre la France et l’Espagne qui tire largement parti des technologies de l’information et de la communication ainsi que de la participation citoyenne. Un bel exemple pour ces prix européens.
Pour la première fois, nous avons attribué, avec l’École Urbaine de Lyon, un Prix Étudiant dont les propositions se détachent par leur audace conceptuelle. Tel était l’objectif.
Dans la version française de son livre Smart Cities, Antoine Picon, professeur à Harvard, propose d’aborder l’intelligence de la ville en prenant ce terme d’une manière littérale, ainsi définie : « Intelligent au sens de ce qui apprend, comprend et raisonne ». Il la fait ainsi apparaître « comme le fruit d’une dynamique qui n’est que partiellement technologique » et dé « la tentation du déterminisme avec ses corollaires techno-optimistes ou techno-pessimistes et leurs parfums entêtants d’utopie ou de contre-utopie ».
Question d’intérêt qu’il abordera le 17 mai dans un dialogue avec David Kimelfeld, président de la métropole de Lyon. Dynamique autant interne que liée à l’environnement, processus, adaptabilité, viabilité durable… ils débattront de comment rendre nos villes plus inclusives pour leur permettre de « apprendre, comprendre et raisonner ». Pour être plus humaines et mieux capables de muter avec les temps qui changent, comme dirait Bob Dylan.
Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 3 mai 2018.
Photo : Smart city (Flickr)