Les internautes ne font pas dans la subtilité quand ils naviguent sur la toile, confirme une étude récente de leur comportement face aux sites d’actualité.

Ils s’arrêtent quelques secondes à peine sur les pages d’accueil, tendent à ne lire que les trois premiers mots des titres et se fixent plus volontiers sur les textes que sur les produits multimédias sophistiqués.

San Francisco, Californie, le 18.sep.04

Le texte (court) est roi

Le temps total passé sur une page d’accueil varie entre 12 et 16,4 secondes révèle l’étude Eyetrack III réalisée dans le cadre de l’école de journalisme Poynter Institute (poynter.org) sous la direction de Steve Outing, spécialiste de médias interactifs, et de la professeur Laura Ruel.

Notre regard se pose d’abord dans le quart supérieur gauche de l’écran. Il tend ensuite à zigzaguer à la recherche d’un contenu sur lequel s’arrêter.

La taille compte, mais d’une façon qui peut surprendre.

« Quand les lettres et les titres sont plus petits, ils tendent à être lus comme des blocs avec plus de fixations sur plus de mots et plus de lecture réelle, » nous a expliqué Steve Outing par courriel.

« J’ai également été surpris par le comportement face aux titres. Les sujets que nous avons testés ne fixaient typiquement que les deux ou trois premiers mots avant de passer à autre chose, » précise-t-il.

« Les longs paragraphes semblent décourager le regard » expliquent les auteurs de l’étude dans leur texte de présentation qui constatent l’efficacité des paragraphes d’une seule phrase.

Les éditeurs doivent choisir des titres dont les premiers mots sont plus accrocheurs et les journalistes doivent adapter leur style.

Eyetracking

La technologie utilisée pour Eyetrack III a été mise au point par la compagnie Eyetools (eyetools.com) de San Francisco, ville où les tests ont été effectués.

En 1990 la première étude du genre avait analysé comment nous lisons les journaux traditionnels. En 1999 le travail avait porté sur la façon dont nous lisons sur la toile.

46 personnes de la région ont participé à cette expérience qui a duré une heure pour chacun d’entre elles. Elles étaient invitées à naviguer sur 10 sites conçus exprès pour le test sur la base des sites d’information les plus populaires.

Une mini caméra installée sous l’écran enregistrait les mouvements de leurs yeux. Les données ont ensuite été traitées grâce à un logiciel spécial.

Eyetrack III présente une partie de ses trouvailles sous forme de cartes de couleur sur lesquelles les zones où le regard se fixe le plus apparaissent en rouge alors que les zones de moindre attraction figurent en bleu.

Elles confirment par exemples que nos yeux évitent la publicité de façon systématique. Ils y réussissent encore mieux quand elle est séparée du texte par un filet qui sert ainsi d’avertissement.

La position compte. La meilleure est en haut de la colonne de gauche, la première zone sur lequel le regard se pose naturellement. Les grosses annoncent attirent plus le regard que les petites.

Les limites du multimédia

Eyetrack III accorde une attention particulière à la lisibilité des contenus multimédias offerts par un nombre croissant de sites d’information.

Un des tests consistait à soumettre un même thème pris dans le New York Times en format multimédia et en format texte. Les faits lus sont plutôt mieux retenus mais « l’information concernant un processus ou une procédure avec laquelle ils n’étaient pas familiers a été mieux retenue quand elle était présentée en format multimédia graphique, » expliquent les auteurs.

Dans son mèl, Outing précise que les éléments de navigation trop subtils insérés dans les contenus multimédia ne sont pas compris et sont ignorés.

« Je suis parvenu à la conclusion qu’il faut frapper sur la tête des usagers quand il s’agit de navigation multimédia, » nous a-t-il expliqué. « Il faut la présenter de façon tellement évidente qu’ils n’ont d’autre solution que de cliquer pour avancer au fragment suivant, ou pour déclencher une action quelconque sur l’écran. »

Mais attention, point trop n’en faut. « Quand trop de choses ont lieu en même temps, par exemple des images qui défilent toutes seules et sont accompagnées d’un commentaire en audio et de légendes écrites qui défilent, il faut supprimer quelque chose, » nous a-t-il expliqué.

« Cela correspond d’ailleurs à ce qui me rend fou quand je surfe sur la toile: les présentations multimédia où il se passe plus de choses en même temps que ce que ma tête peut absorber. »

D’autres études, celles notamment menées par Jakob Nielsen le champion de « l’utilisabilité » (useit.com) avaient déjà révélé que sur l’écran, à la différence du papier, le texte attire plus l’oeil que la photo. On y lit moins qu’on ne parcourt (scan).

Steve Outing reconnaît que « Le texte règne encore sur la toile. » Et il précise dans son mèl que « la présentation multimédia des actualités doit encore évoluer ».

Les outils sont là. Il ne reste plus qu’à trouver la rhétorique. Le vrai défi est que la réponse n’est pas seulement affaire de technologique.

Eyetrack III

Eyetools

E-media Tidbits: Blog animé par Steve Outing

Jakob Nielsen

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...