Pas de révolution sans contradiction, comme nous le voyons tous les jours à la télé ou dans les journaux. Celle qui concerne l’urbanisation ne fait pas exception à la règle. La plus curieuse d’entre elle étant sans doute qu’elle donne lieu à une sorte de renaissance de l’agriculture urbaine.
Au nord elle tend à être vue comme une pratique renforçant les communautés et contribuant au développement durable des villes. Au sud, elle est plus une question de survie. Au sens le plus large du terme, « l’agriculture urbaine » comprend la culture de certains végétaux de base et s’étend à l’aquaculture, à l’apiculture et, bien sûr à l’élevage de volailles, entre autres.
Au nord, les chiffres sont modestes. Une étude de l’Université de l’Arizona montre qu’aux Etats-Unis, elle atteint exceptionnellement 5% de la nourriture consommée dans la ville en question et qu’elle ne dépasse pas 1% dans la plupart des cas. Mais l’engouement va croissant dans la mesure où ce type de pratique permet de réduire l’impact CO2 de l’acheminement des aliments : ils se mesurent en mètres et non plus en kilomètres.
Ailleurs, en Colombie par exemple, elle fait figure, selon le professeur Carlos Moreno, de survivance de pratiques traditionnelles. Ainsi Bogotá ne compte pas moins de 10.000 agriculteurs urbains. En Inde, un mouvement lancé à Mumbai, gagne du terrain sur le toit d’une des cantines du port. Il en va de même chez les travailleurs des entreprises high-tech de Bangalore. A Dehli où « la sécurité alimentaire urbaine est une source croissance d’inquiétude », des milliers de familles font pousser de quoi se nourrir.
Le phénomène existe en Afrique. La FAO (Food and Agriculture Organization) a des programmes pour l’organiser. A Cuba, il permet à une bonne partie de la population de faire face à des rationnements qui n’en finissent pas. « Plus de 50% des produits frais consommés à La Havane sont cultivés dans la ville ».
En bref, l’agriculture urbaine est une réalité multifacétique qui existe dans le monde entier. Mais peut-elle contribuer de manière significative à résoudre les problèmes posés par la concentration croissante de population dans les villes ?
Les initiatives à objectif commercial ne manquent pas. Lancée par Mohamed Hague sur le toit d’un entrepôt de Montréal (3.000 m2), Lufa Farms se caractérise moins par le recours aux cultures hydroponiques que par un effort systématique de commercialisation, problème sur lequel ce genre de projet achoppe facilement. A Kashiwa, au Japon, dans une ancienne usine de Sony, Shigeharu Shimamura fait, au contraire, le pari de l’éclairage artificiel LED avec lequel il recrée artificiellement le cycle diurne. Ça lui permet de produire 10.000 laitues par jours avec une productivité 100 fois supérieure à celle d’une ferme traditionnelle.
Les startups se lancent sur ce terrain prometteur. A Singapour, j’ai pu visiter les installations de Smartgrow.co qui améliore l’aquaponie (culture des végétaux en symbiose avec les poissons) grâce à une batterie sophistiquée de capteurs. Ce qui leur permet d’affirmer que « la seule chose dont vous devriez vous soucier c’est de récolter et consommer la nourriture que vous faites pousser ».
Mêmes les villes commencent à encourager cette tendance. Suivant, à l’américaine, l’exemple de La Havane qui avait mis gratuitement des terrains à disposition de ceux qui voulaient les cultiver, San Francisco offre, depuis le 8 septembre, des avantages fiscaux aux propriétaires qui transforment des terrains inutilisés en potagers à condition que le bénéficiaire s’engage à produire de la nourriture pendant au moins cinq ans.
Reste à voir si les conditions à remplir poussent les candidats à se lancer vraiment dans l’agriculture urbaine ou les en décourage. C’est le cas dans la ville de Mexico où une telle disposition a été prise. Mais les déductions sont insuffisantes et il est presque impossible d’en bénéficier tant les conditions d’application sont draconiennes.
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Crédit photo : Börkur Sigurbjörnsson/CC/Flickr