Nous avions World War Z, le film de science fiction. Nous avons maintenant World War D, la guerre mondiale D qui, elle aussi évoque, en anglais du moins, la troisième guerre mondiale : World War 3 (three). Tel était le titre d’une conférence qui s’est tenue fin mars à Melbourne en Australie pour parler de la guerre des monnaies (D est alors utilisé pour Dévaluation) et du fait que la guerre économique est aujourd’hui numérique. « L’arme est la finance mais le champ de bataille est Digital » peut-on lire sur le compte rendu.
La conférence était une réunion de chantres de l’Apocalypse (promettant des martingales aux investisseurs qui les suivraient). J’ignore la valeur de leurs prédictions mais y vois une invitation à s’interroger sur la portée non militaire des affrontements en cours autour de la question ukrainienne.
Loin d’être des coups d’épingle, les sanctions prises par les États-Unis et par l’Europe sont en fait la mise en marche d’une nouvelle forme de guerre, sans destructions physiques, mais tout aussi redoutable.
Newsweek de cette semaine en fait sa une. Sous le titre « L’art de la guerre financière » l’article explique en détail comment Washington a recours à « des armes financières sophistiquées » contre des gouvernements hostiles. « Il y a quinze ans, l’idée que le Département du Trésor serait au centre de notre sécurité nationale était inconcevable » explique le sous-secrétaire Daniel Glaser. « Mais nous avons développé une panoplie complète d’outils à mettre au service du Président ».
La clé consiste à interdire toute transaction en dollars d’un individu ou d’une banque portée sur la liste noire. L’impact est considérable car 87% des transactions internationales se font, à un moment ou à un autre, en dollars US et sont signalées aux autorités de ce pays. De très lourdes pénalités (parfois en millions de dollars) sont appliquées à toute institution américaine ou étrangère effectuant une transaction avec les individus et institutions figurant sur la liste. Un diktat que personne n’ose violer, pas même les Chinois.
Il s’agit, selon The Telegraph de Londres d’une « bombe à neutrons financière » qui « repose sur le contrôle hégémonique du système bancaire global étayé par un réseau d’alliés et l’acceptation réticente des États neutres. » Il en résulte une guerre « subtile » « mais pas moins impitoyable et destructrice que les autres » écrit Juan Zarate, le fonctionnaire américain qui a conçu le dispositif et contribué à le mettre en place après le 11 septembre 2001.
L’arme a déjà donné des résultats avec la Corée du Nord et l’Iran. Mais la Russie est un bien plus gros morceau, de plus « intimement liée aux économies de l’Allemagne et de l’Europe de l’Est. » Une contagion n’est donc pas à écarter au sein de notre système hyper connecté.
Il ne faut pas écarter non plus une réponse « asymétrique » de la Russie. Elle pourrait avoir recours à la cyber guerre dans laquelle elle a déjà démontré sa capacité et à laquelle les économies et sociétés ouvertes occidentales sont particulièrement vulnérables. La guerre est en marche, avec d’autres moyens qu’il faut comprendre.
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Crédit photo : Atomic jeep/Flickr/CC