Mise à jour : Article publié dans le supplément du Monde du samedi 7 janvier.Arnon Kohavi est un entrepreneur israélien devenu capital-risqueur. Après quelques années passées à Silicon Valley (je l’y ai interviewé en 2007 à propos du lancement de WeFi.com) il a décidé de se lancer dans le » venture capital » au Chili où il est allé s’installer au printemps dernier pour 6 mois.Faute de résultats dans le délai qu’il s’était donné Kohavi a décidé de chercher meilleure fortune à Singapour.Anna Heim de The Next Web a eu la bonne idée de l’inviter à dresser le bilan de son expérience, ce qu’il a fait sans ambages. »Le cœur du problème est le terrible fossé générationnel entre les jeunes entrepreneurs et la génération d’avant. La société chilienne est moins dynamique qu’en Asie ou aux États-Unis; une poignée de familles monopolistes contrôlent le pays et ne veulent pas bouger, » a-t-il notamment déclaré.Le niveau d’éducation, le manque d’enseignement technique et scientifique de qualité, contribuent au problème, même si le Chili est en avance sur le reste du continent.Enfin, ces gens là ne parlent pas assez bien la langue de Shakespeare: « Il est essentiel pour une communauté locale de startups de s’habituer à parler l’anglais. »Les réactions n’ont pas tardé à se faire entendre haut et fort.La plus piquante provient de Sarah Lacy, une des rares journalistes américaines basées dans la région de San Francisco qui se soit donnée le mal d’aller voir ailleurs ce qui se passe (elle en a tiré un livre Brilliant, Crazy, Cocky: How the Top 1% of Entrepreneurs Profit from Global Chaos).« Ne donnez pas d’argent à Kohavi et à ses semblables » a-t-elle écrit sur son blog, il est trop pressé. « Tout le monde veut être la prochaine Silicon Valley; mais très peu de gens acceptent de faire face à la réalité: il a fallu des décennies et des décennies de soutiens aux entrepreneurs les plus brillants, les plus fous et les plus arrogants [c’est le titre de son livre] pour en arriver à ce que c’est aujourd’hui. »Mis en cause, les chiliens de Start-upChile.com, un programme gouvernemental créé pour attirer les entrepreneurs du monde entier et faire du pays une plateforme d’innovations, ont choisi de répondre d’abord en mettant en avant Rich Yang qui accuse Kohavi de baisser les bras trop vite, de manquer au devoir d’optimisme du bon entrepreneur. « Vous devez faire tout ce que vous pouvez pour réduire la peur de l’échec de ceux qui vous soutiennent alors même que vous mêmes devez accepter l’éventualité de l’échec. »Non sans humour il termine en disant que pour ouverts qu’ils soient aux étranger les marchés asiatiques vont lui demander de vrais et multiples efforts. Côté langues il y sera confronté à l’apprentissage du mandarin « plus difficile que l’espagnol », dit ce fils de Chinois émigrés aux États-Unis puis au Chili.Quelles leçons tirer de tout cela?La première c’est que l’intérêt pour l’innovation dans le monde hors Silicon Valley n’est pas le seul fait des journalistes. Des hommes d’affaires ayant réussi s’aventurent hors des sentiers battus et y investissent.La seconde est que, même si cela ne fait pas plaisir et même s’il s’en va un peu vite, Kohavi a raison quand il dit que l’Amérique Latine n’est pas à la pointe de l’innovation, que les vieux patrons préfèrent les mines à l’internet. Il a plus de chances de gagner plus d’argent plus vite à Singapour qu’à Santiago.Mais la troisième est que si toutes les startups du monde ne sont pas mûres pour les capital-risqueurs… l’inverse est peut-être tout aussi vrai. C’est le modèle Silicon Valley (où il s’est formé) que Kohavi exporte (avec la « fermeté » de qui est passé par l’armée israélienne). Nous avons besoin de repenser ce que nous entendons par startup, par entrepreneur et par innovation.[Photo Flickr de coolinsights]Afficher Pisani Winch 5 sur une carte plus grande
Francis Pisani
J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994).
Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...
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