En emboîtant le pas de leurs usagers en rébellion (voir le billet d’hier ) les dirigeants de Digg ont pris des risques qui permettent de poser une question essentielle: celle du pouvoir des usagers dans les médias participatifs.

 

Non content de les laisser publier des références à une clé de décryptage de HD-DVD, Kevin Rose s’est mis dans la même situation que les « diggers » en affichant lui-même le code sur son blog. Ça lui interdira d’invoquer la clause (éventuellement applicable) selon laquelle sa société n’est pas responsable du contenu qu’ils mettent en ligne sans son intervention.

Le risque est sérieux parce que le fait de contribuer à la diffusion d’informations permettant de « circonvenir » des méthodes de protection de matériel copyrighté est considéré comme un crime. Les amendes étant proportionnelles au nombre de fois où le code a été publié, Digg pourrait ne pas s’en remettre.

La seule chance de Rose et de son co-fondateur est que les juges estiment que cette ligne de code est une simple information. Elle serait alors protégée au nom de la liberté d’expression.

Quant au fond, l’affaire va plus loin que les mésaventures d’une entreprise sympathique.

Digg est un de ces sites qui repose presque exclusivement sur le contenu généré par les usagers. Lui demander de les censurer c’était lui demander de scier la branche sur laquelle il est assis.

Rose a donc eu raison de ne pas écouter ses avocats.

Mais, si Digg est condamnée, beaucoup d’entreprises hésiteront à s’engager sur la piste de web 2.0 en raison des risques juridiques que cela peut inclure (d’autant plus que le modèle économique reste incertain ).

L’incident a cependant le mérite de montrer clairement que quand on invite les usagers à participer, on court toujours le risque de les voir prendre un chemin non prévu. Ce que Dell et Yahoo n’avaient peut-être pas envisagé lorsqu’ils ont adopté un modèle similaire .

Le grand mérite de cette histoire est sans doute qu’elle nous oblige à poser une question essentielle mais tue jusqu’à présent: celle de la relation entre la participation des usagers et leur pouvoir.

Au risque de simplifier de façon excessive, disons que:

  • web 2.0 dépend largement des relations établies entre de multiples données (« Data is the new ‘Intel inside' » écrit Tim O’Reilly);
  • la seule façon économique d’atteindre le niveau désiré c’est de laisser les usagers les mettre en ligne;
  • plus le système dépend d’eux, plus ils ont de pouvoir. Il suffit qu’ils s’en rendent compte.

Seul un conflit pouvait le révéler. Ce qu’a fait la rébellion des usagers de Digg.

Il ne peut donc pas y avoir de participation des usagers sans pouvoir des usagers. Ça peut faire peur ou ça peut enthousiasmer.

Nous en avons en tous cas maintenant la preuve par 09 f9…

Alors… peur ou enthousiasme?

[L’illustration est un « travail artistique » proposé par le magazine Make ]

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...