Les activités artistiques contribuent à la croissance des villes et à la création d’emplois. C’est ce que semble démontrer une étude récente commentée sur CityLab par Richard Florida. Mais attention de ne pas s’en tenir à une vision purement utilitaire.
Spécialiste des villes, le professeur Florida est connu, entre autres, pour son travail sur la Classe créative. Il s’agit de tous ceux qui travaillent sur la connaissance (enseignants ou journalistes) ou la création (artistiques et entrepreneurs), ceux qui vivent de leur talent et de la technologie dans un contexte de tolérance. La notion ne fait pas l’unanimité mais elle a le mérite d’attirer l’attention sur un des impacts sociaux les plus importants de l’évolution économique.
L’étude en question, qui l’intéresse d’autant plus qu’elle semble confirmer ses thèses, porte sur l’évolution de 350 villes étatsuniennes entre 2000 et 2010. Elle établit un rapport chiffré entre la présence de compagnies de musique ou de dance et la capacité d’attirer les travailleurs de la connaissance, de les héberger et de les nourrir. Celles qui ont une compagnie de musique, opéra ou danse dotées d’un budget de plus de 2 millions de dollars par an ont augmenté de 1,1% les emplois pour les travailleurs de la connaissance. La croissance est de 1,5% pour celles qui en ont deux et de 2,2% pour celles qui en ont trois.
Cela vaut pour les très grandes villes (New York ou Los Angeles) comme pour les villes de taille moyenne. Ainsi San Antonio au Texas, qui dispose d’un orchestre symphonique, a-t-elle ajouté 245.000 emplois pour travailleurs de la connaissance en 10 ans, 2700 d’entre eux étant attribuables directement ou non à la présence de l’orchestre. L’impact économique d’ensemble est évalué à plus de 300 millions de dollars par an.
Faute de chiffres aussi précis ailleurs nous pouvons, néanmoins constater, que Berlin est un bel exemple de ville qui a d’abord attiré les artistes, puis les startups, et qui croît. Mais les villes européennes ne disposant pas d’un orchestre symphonique ne doivent pas désespérer. De multiples initiatives culturelles bien moins coûteuses peuvent contribuer à créer un climat capable d’attirer les travailleurs du savoir. Cela va des groupes de théâtre aux espaces dédiés à la danse (voir Moving-cities.com) comme à la musique électronique tels ceux que l’on peut trouver dans les vidéos de la série RealScenes de New York à Paris en passant par Berlin, Mexico, Johannesburg et Bristol.
L’objectif, pour les villes, semble souvent celui que résume Florida en conclusion de son article « l’étude fournit des preuves claires que arts et culture contribuent vraiment à la capacité de toutes les villes, petites ou grandes, d’attirer les talents et développer leurs économies ».
Mais l’argument, on le sent bien, n’est qu’à moitié convaincant. L’art ne nous intéresse-t-il que dans la mesure où il crée des emplois ? Je vous laisse répondre tout en vous signalant ces réflexions de Benjamin Barber, auteur de Jihad vs. McWorld et de If Mayors Ruled the World : « Si le conseil municipal demande des résultats en termes économiques, démographiques ou de bénéfices et ainsi de suite, les arts disparaissent sur le chemin parcouru pour lui donner une réponse satisfaisante ». Il conseille donc de ne pas « instrumentaliser » l’art et la culture. Il n’y a pas, pour lui « de meilleur moyen de démontrer la puissance et la pertinence des arts que de les pratiquer ».
Ils sont essentiels à l’identité des villes. Plus encore, on espère, que les regroupements autour des exploits d’un club de foot… dont il ne faut pas sous-estimer l’importance.
Photo : Resident Advisor (Scènes de la musique électronique à Berlin)
Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 13 Janvier 2016.