Et pourquoi n’essaierions-nous pas de « smarter » nos villes? J’entends certains lecteurs hurler, alors qu’ils rêvent de « booster » leur chiffre d’affaire ou de « benchmarker » leur dernière idée. Commençons donc par la question du langage.
Nous utilisons plein de mots anglais, y compris des verbes, qui sont forgés ailleurs parce que la technologie y est inventée, ou qu’on y est en avance sur la théorie et la pratique de la commercialisation.
Un « TV channel » ne donne pas la même image qu’une « chaine de télévision » (nous avons du mal à comprendre les flux et faisons trop facilement face aux défis du monde avec fortifications et interdictions).
Plutôt que de se donner comme tâche de « rendre les villes intelligentes » (vous imaginez le titre) je propose de les « smarter ».
Allant plus loin, je ne vois pas pourquoi laisser aux anglophones l’invention de mots valises en anglais quand ils ne trouvent pas ceux qu’il nous faut. A côté de la notion de « smart City » – inadéquate dans presque tous les cas jusqu’à présent -, je propose donc d’utiliser le terme CitySmarting.
Pourquoi le terme « ville intelligente » ne convient-il pas ?
Parce qu’à ma connaissance aucune ville ne l’est (et nous serions bien en mal d’en donner une définition satisfaisante).
Ni celles qu’on essaye de construire à partir de rien (comme PlanIT au Portugal ou Masdar en Abu Dhabi), ni celles qui aspirent au titre par leur rapide transformation (San Francisco, Xinjiang et même Santander) ni arrivent vraiment.
Il s’agit, dans le meilleur des cas, d’un effort qui est loin d’aboutir.
La notion d’intelligence des villes est elle-même insatisfaisante dans sa forme dominante aujourd’hui. Elle part de propositions faites par Cisco, IBM, Schneider Electric, etc. d’installer des infrastructures de connexions et de systèmes de traitement des informations.
Leur simplicité conceptuelle n’a rien à voir avec la complexité des villes (terroir de leur intelligence). Elles prennent rarement en compte ce qui en émerge, du bouillonnement des startups à la créativité et à la participation citoyenne.
Dire qu’une ville est intelligente parce qu’on y a installé certaines infrastructures est pire qu’insuffisant.
Aborder la question sous l’angle du « citysmarting » permettrait :
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Une relance de la discussion et sa possible appropriation par tous les concernés.
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Son enrichissement et l’introduction d’éléments critiques comme le rôle des startups, PME et initiatices citoyennes.
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De concevoir enfin la transformation de nos villes comme un processus (toujours en devenir, possible) et non comme un état et donc, comme un mirage, voir un mensonge.
Revenons à la langue, il ne s’agit pas, bien entendu, de l’anglais d’Oxford ni de Harvard, mais de notre lingua franca internationale, bien plus utilisée. Toujours avec accent. Une de nos langues. Utilisons la. Et approprions-nous de ce défi primordial qu’est la possibilité de rendre les villes plus intelligentes, plus vivables, plus ouvertes sur/à leurs citoyens. Smartons-les.
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Crédit photo : CC/Ms. Phoenix