Les utilisateurs réguliers des réseaux sociaux sont moins susceptibles d’exprimer des opinions divergentes selon un sondage du Centre de Recherche du Pew Internet Project. Une mauvaise nouvelle pour la démocratie à l’ère digitale et la preuve qu’il faut toujours être attentif aux mauvais comme aux bons côtés des innovations.
Le travail porte sur la réaction des Américains aux révélations d’Edward Snowden concernant l’espionnage tous azimuts de la NSA (National Security Agency). Au moment de sa réalisation, 44% trouvaient qu’elles nuisaient à l’intérêt public et 49% qu’elles le servaient. Les résultats les plus significatifs indiquent que :
- 86% voulaient bien en parler avec des amis ou en famille,
- mais seulement 42% étaient prêts à exprimer leur opinion sur Facebook ou Twitter ;
- les utilisateurs de Facebook qui pensent que leur entourage est d’accord sont deux fois plus disposés à s’exprimer sur le réseau que dans le cas contraire ;
- les utilisateurs réguliers (plusieurs fois par jour) de Facebook sont moitié moins disposés à avoir une discussion sur le sujet face à d’autres personnes que ceux qui n’utilisent pas ce réseau. Il en va de même (dans une proportion moitié moindre) des utilisateurs de Twitter.
C’est encore plus vrai, dans les deux cas, s’ils pensent que leurs amis ou ceux qui les suivent ne sont pas d’accord.
Conclusion de Pew : « Dans le cas Snowden, les médias sociaux n’ont pas fourni de nouveaux forums pour ceux qui, sans cela, pourraient rester silencieux ». C’est ce qui explique sans doute le titre (racoleur) « Spirale du silence » donné à l’étude. Une référence à un terme de la psychologie de masses selon lequel les gens tendent à se taire quand ils craignent d’être en minorité.
Les réserves ne manquent pas.
La moins convaincante est la réponse de Winter Mason, un chercheur de Facebook, pour qui « le silence ne doit pas être interprété comme une suppression – il se pourrait simplement que les gens veulent exprimer ce qu’ils croient d’une façon moins conflictuelle ».
Jon Dron, de l’Université de Athabasca au Canada souligne que l’enquête n’établit pas de relation de cause à effet entre l’utilisation des médias sociaux et la disposition réduite à faire face aux divergences. Elle ne porte en outre que sur un cas.
L’intérêt des réseaux sociaux dans la vie démocratique demeure.
- Ils facilitent la diffusion d’informations comme dans le cas des émeutes de Ferguson (après que le jeune noir Michael Brown ait été tué par un policier blanc) où, Twitter a obligé la télé américaine à passer de la couverture de la mort de Lauren Bacall à celle de la répression.
- Ils amplifient les changements d’opinion comme dans le cas du Printemps Arabe, où ils ont permis aux opposants des grandes villes de découvrir qu’ils n’étaient pas seuls.
Mais, survenant quelques semaines après les révélations sur une expérience de manipulation de l’humeur de leurs utilisateurs par Facebook, l’enquête de Pew confirme qu’algorithmes et pression sociale peuvent se renforcer pour faire de nous des moutons conformistes.
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Crédit photo : Alessandro Prada/Flickr/CC