Il est plus facile de parler de « transition énergétique » comme le font plein d’élus et d’entreprises que de la mettre en œuvre, comme il est plus facile de se fixer des objectifs que de les atteindre.
D’où l’intérêt d’essayer de dresser une fiche sur ce qu’on entend par le terme et ce qu’il implique pour mieux y réfléchir en cette période de fêtes souvent dispendieuses.
La transition énergétique (ou TE) désigne l’évolution des habitudes de consommation énergétique mais aussi celle des méthodes de production d’énergie. Cela veut dire, aujourd’hui, passer d’une consommation majoritairement basée sur les énergies fossiles à une consommation dans laquelle les énergies renouvelables occupent une place plus importante.
La TE couvre un champ considérable : mobilité électrique (autos, bus, mais aussi motos, scooters, vélos et trottinettes) ; rénovation thermique des bâtiments ; création de parcs éoliens ou de parcs solaires ainsi que l’installation d’éclairage intelligent comme se le proposent nombre de stratégies Smart City. La liste, bien entendu est à peine indicative et nullement exhaustive.
Son côté concret et presque terre à terre ne doit pas faire oublier l’importance considérable des enjeux au premier rang desquels on trouve la nécessité de ralentir, voire arrêter le réchauffement climatique global. Mais il s’agit aussi de maîtriser la demande, d’empêcher qu’elle de s’envole comme peut le faire la note d’électricité d’un foyer dans lequel on chauffe sans compter et on prend la douche comme une séance de relaxation prolongée. Il s’agit également de promouvoir l’efficacité énergétique, en améliorant, par exemple, l’isolation thermique.
Mais le changement d’état d’esprit le plus difficile concerne peut-être la décentralisation de la production d’énergie. Notamment en France. Nous avons l’habitude d’un État fort qui contrôle tout, dans ce domaine en tous cas, d’autant plus qu’il a trouvé dans le nucléaire un outil efficace et à long terme. Seul problème : les avantages (discutés mais réels) qu’il présentait à l’ère industrielle perdent une partie de leurs attraits dans le monde fluide et distribué d’aujourd’hui. La difficulté tient au fait que les institutions doivent changer en même temps que les mentalités. Encore une fois : plus facile à dire qu’à faire.
Des objectifs ambitieux
Ça n’est pas une raison pour se croiser les bras et la France s’est fixée des plans cadres (quel que soit leur petit nom administratif) avec la loi Grenelle II d’abord puis, en 2015 avec l’accord de Paris signé dans le cadre de la préparation de la COP21 et avec le vote de la loi de transition énergétique.
Un résumé du calendrier des objectifs donne une idée de leur ambition.
En 2025 nous devons réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité (contre 75 % en 2014) et réduire de moitié les déchets mis en décharge.
En 2030, nous devons être parvenus à diminuer de 30 % la consommation primaire d’énergies fossiles par rapport à 2012, à porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie et à 40 % la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité. Nous devons aussi réduire des émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990.
Enfin, en 2050 nous devons parvenir à une réduction de 50% de la consommation d’énergie par rapport à 2012.
Responsabilité des collectivités territoriales
Personne n’échappe ou ne devrait échapper à cet effort. Tous les acteurs doivent participer : entreprises, services publics, collectivités territoriales, foyers, individus. Mais il semble bien que la résistance de la population joue un rôle déterminant dans la lenteur des élus comme l’indique une étude commandée par La Poste et présentée par Le Monde le 30 novembre dernier.
Il est évident, cependant que les collectivités territoriales ont une responsabilité de premier plan dans la mesure où elles gèrent nombre de ces dossiers. Et n’oublions pas ces chiffres choc que nous rappelle la Fabrique de la Cité : selon les Nations Unies, les villes sont responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre et de 70%de la consommation d’énergie au niveau mondial.
Les leviers ne manquent pas, qu’il s’agisse de réglementation ou de financement, plus, ne l’oublions jamais, une bonne dose de participation citoyenne. Ils doivent être appliqués pour modifier les bâtiments, changer les modes de transport, réduire la consommation, éviter le gaspillage. Même l’urbanisme est concerné comme le montrent deux exemples parmi beaucoup d’autres : l’encouragement à une production alimentaire sur place ou de proximité ou la réduction des déplacements grâce à la conception de quartiers, voire de villes réunissant à la fois logements, lieux de travail, écoles et commerces.
Mais les obstacles sont tout aussi nombreux à commencer par notre difficulté à trancher sur le ralentissement du nucléaire. Ainsi Fessenheim est-elle la seule centrale dont la fermeture est prévue pour 2018.
Difficulté inhérente au problème lui-même : il nous est difficile à tous (territoires et foyers) de bien intégrer le fait que les coûts sont visibles et immédiats alors que les bénéfices sont encore, pour beaucoup, incertains et lointains. Ça coûte cher tout de suite alors que les bénéfices se font souvent sentir à moyen, voire long terme. Cela se voit particulièrement dans la rénovation des logements qui est, en plus, particulièrement complexe et lente.
Force est de reconnaître enfin que la conscience de la gravité du problème n’est pas encore très répandue ou plutôt que nous n’avons guère confiance dans notre capacité de contribuer à l’amélioration de la situation.
Dans ce contexte la France ne se trouve pas en mauvaise situation dans la mesure où, selon l’Agence Internationale de l’énergie, elle est largement décarbonnée, mais la difficulté tient au fait que « les gains les plus faciles ont déjà été réalisés ». Un vrai défi dans la mesure où notre pays « doit en même temps changer son système énergétique et son marché », c’est-a-dire passer à une plus grande part pour les sources d’énergies propres et renouvelables tout en assurant une diversification des offres.
Objectifs ambitieux dans un discours clairs. Pas mal, mais il ne faut pas se cacher qu’ils seront difficiles à atteindre dans les temps envisagés. D’autant que cela demande à la fois un changement d’esprit et des actions coordonnées dans de multiples domaines en même temps.
Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 29 décembre 2017.
Photo : Le parc Schneebergerhof, en Rhénanie-Palatinat (Allemagne). Par Kuebi : Armin Kübelbeck (Commons Wikimedia)