On m’a présenté Herman Chinery-Hesse comme étant « le Bill Gates africain » mais c’est une sorte d’eBay pour le contient qu’il est en train de lancer. Il n’a ni la fortune ni la puissance du fondateur de Microsoft. Mais il a créé il y a plus de 20 ans une entreprise de logiciels pour PME au Ghana, où il vit, et dans d’autres pays du continent. Et il vaut mieux en fait que ce que la mauvaise comparaison pourrait laisser entendre. Ouvert, chaleureux, il a une vraie vision de ce qu’il veut faire pour son pays et pour l’Afrique.
Ça passe par ShopAfrica53 une sorte de centre commercial online qu’il vient de lancer. L’objectif est de « servir d’intermédiaire aux petites compagnies africaines » m’a expliqué Hernan dans sa véranda. C’est sa deuxième grande aventure.
Créée à son retour des États-Unis et de Grande Bretagne en 1990,SoftTribe fournit des logiciels aux entreprises de plusieurs pays d’Afrique et gagne aujourd’hui « des millions de dollars ». Mais Herman aspire à mieux. Il veut, par l’entreprise et l’innovation, contribuer au développement du continent. D’où sa décision de lancer ShopAfrica53. Une vraie plateforme commerciale et technologique qui repose sur trois piliers.
- Le premier est un site web par pays qui permet aux marchands d’annoncer leurs produits et aux clients de les commander. Toutes les transactions se font au moyen de SMS.
- Le second est un système de crédit baptisée African Liberty Card. Il s’agit en fait de cartes à gratter (scratch cards) mises en circulation par ShopAfrica53. Achetables dans différents points de vente elles permettent d’enregistrer instantanément une certaine quantité d’argent sur un mobile.
- Le troisième est l’une des énormes astuces de Chinery-Hesse. Toute la logistique est confiée aux courriers traditionnels (DHL et autres Fedex). Ils savent aller chercher un produit dans la brousse et le livrer à Saragosse, Toulouse ou Miami. ShopAfrica53 n’a plus qu’à mettre l’argent à la disposition des fournisseurs à la fin du mois. Interrogé sur le coût de ces opérations Chinery-Hesse me répond avec un grand sourire « la différence entre les salaires en Afrique et ceux pratiqués en Europe ou aux États-Unis nous laisse une grande marge dans laquelle nous pouvons puiser. »
« Nous nous adressons à la base de la pyramide et nos marges sont extrêmement réduites, » poursuit-il. « SMS et emails n’ont pas de frontières. » Il reconnaît qu’il faudra un certain temps à son projet pour s’imposer… cinq ans peut-être « mais ça va être quelque chose d’énorme. Ça sera plus effectif que tout ce que l’aide aura pu faire pendant ces cinq ans. Je ne connais aucun pays qui se soit développé grâce à l’aide. C’est une fausse piste. Nous ferons mieux et, en plus, nous le ferons avec dignité. »
En revenant sur mes notes pour écrire ce papier (il fait partie d’un long article publié hier en espagnol par El País de Madrid), je me suis demandé si c’était bien « la base de la pyramide », très à la mode, qu’il vise. J’ai tendance à penser que c’est plutôt le milieu de la pyramide et c’est peut-être une stratégie plus intelligente, pour les entrepreneurs en tous cas.
J’ajoute qu’elle ne peut-être mise en place que par les locaux car, pour les grandes multinationales, tout ceci se situe en dessous du plancher sur lequel elles ont une certaine visibilité.
Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.
[Photo de Francis Pisani]