WiFi, la technologie de communication radio pour ordinateurs, est un des rares secteurs des technologies de l’information et de la communication dans lequel on trouvait un certain optimisme il y a quelques semaines encore. Le nombre d’utilisateurs croît en flèche, de nouvelles formes d’utilisation sont inventées tous les jours, l’argent arrive à flot pour installer de nouveaux points d’accès: le rêve pour les investisseurs… jusqu’au jour où certains analystes ont commencé à tirer la sonnette d’alarme: la catastrophe serait pour bientôt.
San Francisco, 8.juil.03
A la mi-mai déjà, Larry Lopez, président de la Silicon Valley Bank avait déclaré à la tribune de la conférence FIRe, « je ne crois qu’il y ait un modèle économique viable avec WiFi ». Puis Forrester, l’entreprise très respectée « qui aide les compagnies à comprendre l’impact des technologies sur le monde des affaires » s’est soudain mise à sonner le tocsin en publiant le 19 juin une étude annonçant « Un autre krach à la dotcom ».
« Nous croyons qu’une bonne partie de l’argent déversé aujourd’hui dans les réseaux locaux wireless pour permettre l’accès [à l’internet] – dans des endroits aussi variés que bars, marinas, hôtels et aéroports ainsi que trains, bus et stations de métro – est gâché, » a précisé leur analyste Lars Godell. « Comme si l’effondrement des dotcom n’avait jamais eu lieu, » a-t-il ironisé. Il y a deux raisons à cela: il n’y a pas assez d’appareils équipés WiFi pour justifier le nombre de points d’accès publics qu’on est en train d’installer et les prix pratiqués sont trop chers.
L’an dernier 15 millions de chip sets WiFi pour ordinateurs ont été vendus (et plus 4 millions de points d’accès, selon Gartner) mais la presque totalité est utilisée de façon privée à la maison ou par des entreprises. Aujourd’hui, l’appareil de choix pour WiFi est l’ordinateur portable. Aux États-Unis, selon le cabinet NPD Group, la vente de laptops a, pour la première fois en mai, rapporté plus que celles de PCs de bureau. Mais, Forrester rappelle qu’à peine 10% des Européens en possèdent un et que le nombre ne devrait pas dépasser 16% en 2008.
Les capital risqueurs, pour leur part, mettent beaucoup d’argent sur ce secteur à la mode: 1,5 milliards de dollars depuis l’an 2000. Ça entraîne une multiplication des entreprises concurrentes et un suréquipement potentiel. Il s’agit d’une claire répétition du phénomène dotcom.
Toutes les études montrent, d’autre part, que le prix de la connexion joue un rôle essentiel. Il est souvent excessif: jusqu’à 60 dollars par mois aux États-Unis (150 dollars en Europe). Et le pire c’est qu’être client d’un service ne permet pas d’utiliser les autres. L’offre est trop fragmentée.
L’heure de connexion est souvent facturée 10 dollars. Or une étude de ForceNine Consulting a montré qu’à peine 3% des internautes américains sont disposés à payer 2 dollars de l’air. Ils sont 20% si on baisse le prix à 1 dollar. Starbucks propose un accès payant dans plus de 2000 cafés aux États-Unis On voit souvent des utilisateurs dans les cafés de San Francisco et des environs, mais on compte moins de deux usagers par jour par point d’accès. T-Mobile, qui assure le service, a été obligée de réduire ses prix.
Voilà comment on en arrive à parler de crise probable. Les financiers mettent trop d’argent trop tôt dans un secteur prometteur mais encore jeune. Ils ont oublié les dramatiques conséquences qu’entraîne le fait de surinvestir dans l’infrastructure (les points d’accès publics aujourd’hui, la fibre optique hier) sans se préoccuper du nombre réel d’utilisateurs, de ce qui les intéresse vraiment ou de ce qu’ils sont disposés à payer.
« Je crois sérieusement que les gens qui suivent le modèle économique antérieur à l’an 2000 dans leurs investisements dans les start-ups du secteur WiFi sont condamnés » nous a expliqué Tim Pozar, promoteur de l’accès gratuit à Wifi dans la région de San Francisco. Son point de vue est d’autant plus intéressant que son action contribue à perturber le plan des entreprises qui cherchent à faire payer. Ceux qui ont rêvé tirer profit d’une technologie dont l’éclosion se doit essentiellement au travail d’activistes comme Pozar, se heurtent au fait que ces mêmes activistes ont aussi un modèle économique. Un modèle redoutable: la gratuité.
A suivre…