yahoorip-flickr-sigalakos.1202111359.jpg Trois jours après l’annonce d’une offre d’acquisition de Yahoo par Microsoft (voir ce billet), l’idée ne semble plus aussi bonne et les obstacles à sa réalisation apparaissent plus clairement.

Silicon Valley s’inquiète, mais c’est Bill Burnham, un financier de New York, qui a le premier avancé l’argument précis selon lequel ça retirerait du marché un des trois principaux acquéreurs de start-ups . Conséquence d’autant plus préoccupante que Yahoo s’intéressait beaucoup aux petites sociétés et présentait une solution attirante pour les boîtes qui ne marchent pas assez bien pour s’imposer seules et aller en bourse.

Henry Blodget, un des analystes les plus réputés de l’économie de l’internet estime que la fusion « sera un désastre » . L’internet sera toujours secondaire pour Microsoft et le monstre qui résulterait de l’acquisition devra lutter sur trop de fronts et dans trop de domaines pour y parvenir.

Il précise que Microsoft et Yahoo auraient effectivement intérêt à allier leurs forces mais qu’ils devraient procéder différemment : en créant une compagnie indépendante entièrement consacrée au web. Scott Karp ajoute sur Publishing 2.0 que les deux entreprises ont un modèle centralisé et qu’elles auront beaucoup de mal à intégrer la logique véritable du web qui est un « réseau décentralisé ».

Plus subtils, mais pas moins justes, certains sceptiques évoquent les différences de culture d’entreprise existant entre les deux compagnies. Les utilisateurs de Flickr (le site d’échange de photos de Yahoo) par exemple ont déjà créé plusieurs groupes pour protester . David Gallagher remarque sur le blog Bits, « l’image de Microsoft continuera à lui poser des problèmes alors que le monde en ligne se fait de plus en plus social. »

Une employée de Yahoo a déclaré au Sydney Morning Herald que ses collègues voyaient la compagnie fondée par Bill Gates « comme la grande pieuvre de 20.000 lieues sous les mers, qui veut avaler tout le monde ». En tous cas ça risque d’être moins fun de travailler à Yahoo que ça ne l’était.

L’éditeur Tim O’Reilly est, pour sa part convaincu que ça serait une erreur de s’attaquer à Google sur le terrain où elle règne, recherche et publicité, alors que Yahoo + Microsoft auraient une position dominante dans le domaine des communications entre les gens.

C’est le cœur de l’argument avancé par Google sous la forme d’un billet de blog écrit par David Drumond, vice-président responsable des affaires légales. Il souligne leur « part écrasante des compte de courriels et de messagerie instantanée » et rappelle les pratiques de Microsoft consistant à partir de ses positions de monopole pour s’infiltrer sur d’autres marchés.

Brad Smith, qui occupe des fonctions comparables chez Microsoft, a aussitôt répondu sous forme d’un communiqué (différence de culture) en rappelant entre autres chiffres que « Google obtient environ 75% des revenus publicitaires liés aux recherches dans le monde entier et sa part continue à grossir ».

Évoquer un monopole de Microsoft sur l’internet quand on est Google n’a plus guère de sens. Aussi bien Nicholas Carr que Michael Arrington en sont convaincus.

Dernier obstacle, Jerry Yang, le patron et fondateur de Yahoo semble considérer l’offre de Microsoft comme hostile.

Il pourrait chercher à passer un accord avec Google, en lui sous-traitant, par exemple tout ce qui est recherche. Mais une telle alliance pourrait à son tour susciter une réaction négative des autorités anti-trust, de même qu’une contre proposition de Google offrant plus d’argent que Microsoft.

Google pourrait aussi contribuer à la formation d’un groupe de financiers intéressés (avec ou sans des représentants des plus gros médias) pour acquérir Yahoo et, éventuellement la sortir de Wall Street.

Deux choses semblent claires: Yahoo étudie les alternatives et Eric Schmidt, le président de Google a téléphone à Jerry Yang, pour lui proposer de l’aider… dans la mesure de ses moyens.

La bataille ne fait que commencer. Elle oppose Google et sa position dominante en matière de recherche et Microsoft et son quasi-monopole en matière de système d’exploitation et de bureautique. Ce que Larry Dignan de Between the Lines résume d’une formule implacable: « choisissez votre poison » .

[Photo montage de Sigalakos sur Flickr]

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...