D’où qu’il se trouve, Gustavo Caldas gère sans aucun problème son entreprise grâce au téléphone et à la toile. Il n’a que deux employés permanents, qui travaillent aussi chez eux. Mais il compte avec sur un réseau de 1 500 traducteurs, répartis aux quatre coins du monde, tous indépendants. Sans internet, il n’aurait jamais pu créer Span-it, son entreprise de traduction. Une histoire qui aide à comprendre pourquoi, même avec la crise, les technologies de l’information et de la communication gagnent de plus en plus de terrain. Pour certains, voilà peut-être aussi un exemple à suivre.

Francis Pisani. San Francisco. Le 15.mai.03

L’aventure commença quand il était traducteur pour C|net, alors l’une des dix entreprises les plus importantes de l’internet. “J’ai pu constater les coûts exorbitants des débuts, et je me suis rendu compte de l’intérêt qu’il y aurait à opérer avec des frais très réduits” raconte-t-il. L’idée était de proposer à C|net des tarifs plus intéressants en faisant appel à des traducteurs en Colombie (où il est né), au Mexique et dans le reste de l’Amérique Latine.

Et il ajoute : “J’ai commencé avec un très bon client” ce qui lui permit de continuer de la sorte pendant plusieurs mois, “sans aucun investissement”. Puis il se mit à chercher d’autres clients et à mettre en place son réseau en s’appuyant sur les bases de données des associations de traducteurs de différents pays. Les traducteurs qui travaillent pour lui ont au moins cinq années d’expérience et sont agrées par les gouvernements ou par les associations.

Des tarifs intéressants grâce à la toile

L’espagnol représente 60% des traductions. Mais il y travaille également en anglais, portugais, français et italien. Ses contacts dans les différents pays lui permettent d’adapter les textes en fonction du public à couvrir. Évidemment, il ne travaille pas souvent avec les 1500 traducteurs. Son noyau dur est composé de 50 traducteurs. « Je les ai contacté par internet ». « Mas je n’ai rencontré personnellement que deux ou trois ».

Le fonctionnement est simple. Dès qu’il reçoit un texte, il cherche dans sa base de données en se servant d’un logiciel spécial. Et Caldas explique : « Je choisis les traducteurs qui sont censés le mieux convenir. Ensuite, automatiquement, une description du travail est envoyée à l’ensemble des traducteurs repérés. La traduction est confiée au premier qui répond ».

Les tarifs qu’il pratique jouent un rôle essentiel dans son succès. Ils correspondent selon lui « à peu près au tiers » des tarifs en vigueur aux USA, où ils oscillent entre 15 et 25 centimes le mot, en fonction des langues et du type de travail.

La toile joue un rôle clé, pour deux raisons. D’abord le travail est réalisé par de bons traducteurs, mais payés à des tarifs modestes car ils vivent dans des pays où le coût de la vie est relativement bas ; ensuite, les charges fixes sont infimes.

« Les marges sont réduites. Mais le volume compense » explique Caldas. « Pendant la dernière année les ventes ont doublé d’un trimestre à l’autre ». 70% de la clientèle sont de grandes sociétés, et des agences de traduction qui lui sous-traitent leurs commandes.

Une voie que d’autres pourraient aussi emprunter

Pour continuer à croître, Caldas pense ouvrir des bureaux virtuels en Europe. Cela peut surprendre puisqu’on sait qu’il peut opérer depuis Miami ou de n’importe où. « Avoir un numéro de téléphone et une adresse directement sur Londres fait que les gens se sentent plus à l’aise quand il s’agit de prendre contact ou d’envoyer le chèque » ajoute Caldas. « Le sentiment de proximité est important pour le client ».

Est-il possible de transférer l’expérience à d’autres domaines ? Caldas répond qu’en effet il est applicable « à tout service n’ayant pas besoin de contact humain et dont l’actif peut être transmis par voie électronique ». Les grandes sociétés y ont recours et certains de leurs services de relations avec les clients opèrent en anglais depuis l’Inde ou le Costa Rica. Plus modestement, il y a des services virtuels de secrétariat particulier.

L’entreprise de Gustavo Caldas siège à Miami. Mais elle pourrait se trouver n’importe où en Amérique Latine ou ailleurs (avec des bureaux virtuels là où il faut). Cette façon d’opérer montre que bien des gens peuvent bénéficier de certains aspects de la mondialisation, y compris de la sous-traitance transnationale.

Elle révèle aussi qu’entre les hackers, qui travaillent pour l’amour de l’art, et les sociétés motivées par la recherche de plus grands bénéfices, il y a de la place pour des particuliers ou de toutes petites entreprises qui combinent à leur façon les deux motivations.

Span-it

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...