Il ne faut avoir peur de rien dans la recherche de solutions pour les villes. Parmi d’autres possibilités, Montpellier compte sur le big data pour essayer de résoudre des problèmes très variés : depuis le manque d’informations sur le foncier jusqu’à l’évolution de l’état de santé des seniors en suivant heure par heure leur consommation d’eau.
Voici donc, avec commentaires, 4 projets à l’essai dont j’ai pu rencontrer les promoteurs le 25 mars dans les locaux du BIC (Business Innovation Center) à l’occasion d’un voyage de presse organisé par la ville.
Noam met la data au service des gens qui cherchent un appartement, un local ou une maison. « Il y a un déficit actuel d’infos », explique Lahouari Kaddouri. Il se propose en réunissant toutes celles qui sont disponibles « d’aider les gens à se décider en fonction du prix, des caractéristiques internes du lieu et de sa situation ». Docteur en géographie, il est le fondateur et PDG de LKSpatialist qui a créé une base de données géantes sur tout ce qui concerne le foncier. Noam cherche plus particulièrement à aider le grand public. Elle enregistre les caractéristiques d’un bien (surface, prix, nombre de pièces, etc.) qu’elle croise avec des données concernant son environnement (distance-temps aux commerces, aux écoles, aux loisirs, aux services, aux transports, etc.) en fonction de quatre moyens de transport différents (à pied, à vélo, en voiture ou avec les transports publics). Le tout est « géovisualisé » pour faciliter la compréhension. Le système est testé à Montpellier avant d’être lancé à Toulouse et Marseille. Toute démarche consistant à mettre plus d’infos au service des consommateurs et, a fortiori, des citoyens me semble une bonne chose… A nous d’apprendre à nous en servir.
Tweetping, comme son nom l’indique en partie, permet de visualiser les flux d’échanges sur les réseaux sociaux en temps réel. L’app, qui marche avec Twitter pour le moment, promet Facebook et Instagram dans un avenir proche. Tweetpingrepère les messages géolocalisés dans Montpellier ou ceux qui mentionnent le nom de la ville. Selon Franck Ernewein, le fondateur, elle « permet aux commerces d’avoir plus de visibilité et aux citoyens de savoir ce qui se passe ». En « agrégeant l’information des réseaux sociaux qu’on n’utilise pas », elle permet de signaler les accidents ou les inondations à partir des tweets les mentionnant. Plus surprenant, il semble qu’elle puisse fonctionner comme « une sorte de TripAdvisor » en temps réel en donnant les infos sur les évènements en cours. Ce genre d’écoute peut être utile, mais ne vient-elle pas bien tard ? Et ne va-t-elle pas servir d’abord comme système d’information descendant et/ou commercial ? Utile mais insuffisant.
Faciligo met en relation voyageurs fragiles et voyageurs autonomes. Le service est une sorte de Blablacar appliqué aux transports publics qui fonctionne pour les déplacements longue distance, mais aussi en ville. Quand ils indiquent leur point de départ et d’arrivée ainsi que la date et l’heure prévue pour leur trajet, la plateforme Faciligo permet aux personnes à mobilité réduite (ou simplement en difficultés) d’entrer en relation avec des étudiants, par exemple, avec une préférence pour ceux qui ont des intérêts communs. Pour les trajets urbains la personne accompagnée paye 2,50€ dont 1,50€ ira à l’accompagnateur. Pour les trajets plus longs les accompagnateurs reçoivent 6€ par heure d’accompagnement. Le système fonctionne avec la métropole de Montpellier et d’autres collectivités locales ainsi qu’avec la SNCF. « Deux avantages de notre proposition, explique Hind Emad, la fondatrice de La Perle rare, la société qui a lancé le projet, sont l’encouragement à la mobilité et la création de lien social intergénérationnel ». Le succès me semble dépendre, ici plus encore qu’ailleurs, de la vitesse à laquelle Faciligo atteint la masse critique qui permet aux effets de réseaux de jouer. Hind Emad dit promouvoir son programme auprès des prescripteurs, type SNCF et maisons de retraite. Espérons que cela suffise.
WaterBrain utilise le big data pour aider les personnes âgées à rester chez elles plus longtemps. « L’analyse de leur consommation d’eau permet de suivre leur comportement et de leur offrir des services pour prolonger leur autonomie », explique Frédéric Lavandier, président fondateur de la Senior@Home, porteuse du projet. WaterBrain utilise les compteurs d’eau connectés installés par la métropole pour détecter une activité inhabituelle et accompagner la modification des comportements quotidiens des utilisateurs grâce au suivi de l’évolution de leur consommation dans le temps. Les données sont transmises aux aidants familiaux ou professionnels, ce qui peut être particulièrement utile en temps de canicule. L’abonnement est de 3 € par mois contre 30 € pour la téléassistance classique. Des tests sont en cours en partenariat avec Veolia et, bientôt, Engie. Une idée astucieuse parce qu’économique, mais on est en droit de se demander quelle peut être l’efficacité d’un suivi des seniors reposant sur un seul type de données. Il s’agit peut-être d’une vision « data » pas assez « big ». En tout cas, c’est là que les tests prennent tout leur sens.
Qu’elle soit technologique ou sociale, la recherche de solutions est sans doute ce qui importe le plus. N’hésitez pas à nous faire connaître celles que vous testez ou que vous mettez en œuvre pour résoudre les multiples problèmes de votre environnement urbain.
Photo PASCAL GUYOT / AFP (Des tramways sont immobilisés, le 09 octobre 2006 dans un dépôt de la TAM (Transports de l’Agglomération de Montpellier) à Montpellier, à la suite d’une grève surprise des conducteurs de bus consécutive à des « agressions répétées ».)
Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 12 avril 2016.