Un très grand nombre d’entre nous ne travaillent pas dans la commune dans laquelle ils dorment et la question se pose de savoir à laquelle ils appartiennent. Peut-être devrais-je plutôt dire : « laquelle leur appartient ? » au sens où ils y exercent leur pouvoir sous la forme du droit de vote.
Une conférence organisée à Barcelone par les Nations Unies semble avoir répondu clairement en disant que : « Le lieu où l’on habite [l’habitat] – logement, quartier ou hameau – est le lieu où l’on pratique sa citoyenneté pleine et entière, celui où se retrouvent les responsabilités et les droits sociaux, civiques et environnementaux des habitants et des autres parties prenantes ». Mais cette approche consiste en fait à inverser le problème. Elle fait de nous les citoyens du lieu sur le futur duquel nous avons un droit de regard et de participation. Or la réponse traditionnelle ne semble pas satisfaisante.
« Il y a une contradiction entre le territoire où l’on vote et celui où l’on vit » estime Fernando Nunes da Silva, professeur d’urbanisme à l’Université de Lisbonne. C’est ce qu’il a déclaré lors du Forum Smart City du Grand Paris qui s’est tenu à Paris du 26 au 28 novembre dernier. Il estime ainsi qu’on devrait « pouvoir voter sur plusieurs territoires » ou, en tous cas, « développer la participation civique hors du système électoral traditionnel ».
Interrogé par mail, il précise sa pensée dans les termes suivants : « notre vie quotidienne se développe de plus en plus dans différents territoires et sites qui coïncident de moins en moins avec notre lieu de résidence. Cependant, c’est uniquement là qu’on a le droit de voter, alors que tout un autre ensemble de décisions politiques qui affectent notre quotidien sont prises ailleurs ».
Nous sommes en fait confrontés, selon le terme utilisé par la philosophe Cynthia Fleury, professeure à l’American University of Paris, qui participait à la même table ronde à une « pluri-territorialité du citoyen » qu’elle estime « essentielle ».
Comment la prendre en compte ?
Dans son mail, Fernando Nunes da Silva explique que « avec les nouvelles TIC, ont pourrait développer des systèmes de participation à différents niveaux territoriaux avec des conséquences différentes pour chacun d’entre eux ». Pourquoi ne pas voter pour le conseil municipal de son lieu de résidence mais aussi pour celui de son lieu de travail chargé de prendre des décisions concertant des services auxquels nous aurons recours.
L’avantage spécifique des TIC est peut-être qu’elles permettent de « lancer des consultations on line sur des projets importants ou structurants. Une espèce de référendum non formel mais qui pourrait être utilisé dans le débat politique » et dans la prise de décisions ayant des implications sociales pour les personnes impliquées dans la consultation.
Voilà un terrain qui devrait être fertile en innovations civiques.
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Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 8 décembre 2015.
Photo Wikimedia – San Diego-Tijuana, un exemple d’agglomération binationale