Et ailleurs ?

5 raisons pour lesquelles on peut être tenté de fermer une ville et pourquoi c’est illusoire

Aucun pays n’est certain de pouvoir faire plus et mieux que la Chine dans la mise en place du dispositif pour contrôler l’épidémie de coronavirus. Mais, fermer un territoire, interdire les relations avec l’extérieur, le protéger derrière un mur est une vieille tradition… qui ne réussit jamais totalement comme le montre la millénaire muraille de Chine, si souvent contournée. La ligne Maginot n’a pas fait mieux et les réactions de très nombreux pays face au COVID-2019 montrent que la leçon passe mal.

Mais, peut-être est-il plus facile de boucler une ville qu’une nation ? L’illusion vient sans doute du fait qu’elles ont jadis été entourées de murailles partout dans le monde. Encore s’agissait-il d’empêcher de rentrer plus que de sortir.

Plusieurs raisons peuvent contribuer à ce qu’aujourd’hui encore on décide de fermer une ville ou à ce qu’elle se retrouve coupée du monde.

1 – Pour faire face aux éléments déchaînés

Dans certaines régions, le nord du continent américain par exemple, les tempêtes de neige peuvent pousser les autorités à « fermer une ville ». Vancouver l’a fait le 15 janvier 2020. Une pratique relativement fréquente aux États-Unis comme le montre le Farmers Almanac, ce qui pose toujours la question de « qui » décide de fermer explique cet article du National Geographic (2014), une question essentielle en démocratie.

2 – Pour contrôler une attaque terroriste

C’est ce qui avait conduit à la fermeture de Boston en 2013. Mais, deux ans plus tard, un article de The Atlantic montrait que cela avait été probablement inutile et, en fait, une erreur dans la mesure où la mobilisation de 19.000 Gardes nationaux lourdement armés et la paralysie des activités de la ville avaient causé plus de tort à la population et à l’économie que le terroriste lui-même.

3 – Pour bien marquer l’existence d’une frontière

Entre les États-Unis et le Mexique, la conurbation San Diego-Tijuana reste le passage frontalier terrestre le plus fréquenté au monde. Tous les discours sur la « construction d’un mur » (déjà largement en place) n’empêche pas les autorités des deux pays à élargir le point de passage le plus transité… pour mieux gérer les flux autant commerciaux que migratoires essentiels aux communautés des deux côtés. Plus à l’est, les habitants d’Eagle Pass au Texas et de Piedras Negras au Mexique se mettent d’accord chaque année pour cuisiner ensemble un « nacho » géant (plat local fait de tortilla couverte de fromage, ornée de piment et passée au four). Ils étaient 25.000 l’an dernier à participer à leur « Nacho Fest » transfrontalière. Pas question de laisser la frontière couper les Américains des Mexicains de ces villes sœurs.

4 – Parce que la nature en a ainsi décidé

C’est le cas avec les tsunamis comme l’an dernier au Mozambique avec deux cyclones dont Idaï qui a fait des ravages dans la ville de Beira. Cela peut arriver avec les tremblements de terre comme à Mexico en 1985. Des situations de destructions physiques massives auxquelles les humains, en fait, s’efforcent de remédier au plus vite.

5 – Pour tenter d’enrayer une épidémie

C’est ce que fait la Chine avec la plus grande mise en quarantaine de l’histoire (plus de 60 millions de personnes). Mais, plus qu’une « coupure » les mesures prises à Wuhan et ailleurs – en limitant les déplacements à tous les niveaux, depuis l’appartement, et l’usine, jusqu’à la ville et à la région et, en s’en servant au passage pour taire des dissidents – font penser à un « étouffement ». Les autorités ne se contentent pas de fermer la ville elles s’efforcent d’interrompre tous les flux à tous les niveaux.

Or, les villes sont d’abord des « espaces de flux » qu’elles attirent, produisent et réorientent autour de « lieux » nous avait dit le Catalan Manuel Castells dans sa trilogie sur La société en réseaux. Impossible de le faire très longtemps sans mettre en danger leur dynamique et celles des régions, voir des pays qui en dépendent.

A moins que, en même temps, comme le fait remarquer le Suisse Xavier Comtesse, cela n’entraîne des transformations positives. En chinois, le caractère « crise » contient un élément qui signifie « opportunité ». Coincés par les circonstances un nombre considérable d’habitants de ces villes isolées sont en train d’accélérer le passage au commerce virtuel, au télétravail et à l’enseignement à distance. Nous ne saurions écarter la possibilité de voir émerger un nouveau type de ville faisant un usage plus quotidien des technologies et dans lesquelles l’obsession sécuritaire s’appliquerait, outre le politique, à la santé.

 

Photo : Marché de Wuhan fermé après y avoir détecté le Corona virus (Commons Wikimedia)

Une version de cet article a été publié sur le site du Monde le 25 février 2020 sous le titre Coronavirus : quelles raisons peuvent amener à fermer une ville ?

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...