Le milliard trois cents millions de Chinois, quand ils n’inspirent pas une peur trop facile à provoquer, sont d’abord perçus par les étrangers comme un énorme marché à saisir. Et comme la main d’œuvre y était moins chère que dans les pays développés, ils se sont précipités pour y vendre et fabriquer. Ça compte, bien sûr, mais ça change et les implications pour les technologies de l’information sont plus complexes et pourraient même nous réserver quelques surprises…La taille du marché ne change pas. Elle tend même à s’agrandir, moins du fait de l’accroissement du nombre d’habitants qu’en raison de l’accession de centaines de millions de Chinois aux classes moyennes et, pour un beaucoup plus petit groupe, à des niveaux de consommation de luxe « attractifs ».Le coût de la main d’œuvre, par contre, tend à augmenter en partie pour les mêmes raisons. On peut maintenant fabriquer pour moins cher, au Vietnam par exemple et, de plus en plus, au Bangladesh (entre autres).L’avantage incommensurable des Chinois par rapport à beaucoup d’autres pays c’est la quantité d’ingénieurs qui sortent chaque année des écoles. Comme m’a dit un homme d’affaires américain installé à Shanghai, leur qualité est « challenging« . Comprenez : la qualité varie. Il a d’excellents ingénieurs, mais son problème à lui est le manque d’expérience professionnelle des candidats à l’embauche. Ça l’oblige à leur donner une formation plus longue dans l’entreprise elle même.Mais le nombre de Chinois est signifiant pour deux autres raisons au moins.La première est un privilège jusqu’ici réservé aux États-Unis : un marché d’early adopters suffisamment grand pour qu’il soit possible de tester très vite les réactions des consommateurs face à tout nouveau produit ou service. Un avantage que n’ont pas les pays plus petits même quand ils ont les ingénieurs, entrepreneurs et designers qu’il faut.La seconde raison pour laquelle le nombre de Chinois peut jouer un rôle déterminant est plus compliqué et les résultats que nous pouvons en attendre sont difficiles à prévoir mais pourraient être considérables.J’ai pu voir au cours de mes voyages autour du monde l’importance de l’accès à l’information provenant de partout et la possibilité de collaborer avec des personnes qu’on ne connaît pas à l’autre bout de la planète. L’anglais qui sert de langue de communication n’est pas bien parlé partout et les différences géographiques aussi bien que culturelles n’interdisent pas la collaboration mais sont un frein indéniable.En Chine, gouvernement, régions, mairies, entreprises, institutions, groupes de toutes tailles et un nombre « chinois » (= non connaissable mais considérable) d’individus ont décidé de faire de l’innovation une priorité. Les motifs sont économiques, stratégiques, politiques ou individuels. Ils varient, mais la direction ne fait aucun doute. Songez, par exemple, que le slogan actuel de la ville de Beijing (celui qu’on voit sur les sites de constructions publiques par exemple) est « Patriotisme, Innovation, Inclusion et Vertu ».Nul ne sait pas ce qui peut émerger quand, dans un ensemble de plusieurs centaines de millions d’individus et de groupes parlant la même langue, vivant dans le même pays et connectés sur les mêmes réseaux, un nombre significatif d’entre eux se mettent en tête d’innover et à échanger trouvailles et idées, qu’ils trouvent ou qu’on leur donne les moyens pour le faire.L’avenir des technologies de l’information (et de plein d’autres choses) en dépend largement. Si vous avez des idées là-dessus, n’hésitez pas à les partager.