Beaucoup de Brésiliens se demandent encore si leur pays a fait une bonne opération en organisant le Mundial de foot puis les prochains J.O. IBM, pour sa part, s’en sert comme vitrine de sa conception des villes intelligentes grâce au centre de contrôle installé au cœur de Rio de Janeiro. Heureusement, le pays est assez grand et assez créatif pour nous offrir, à Curitiba, proche de São Paulo, sa propre version, moins coûteuse et plus humaine.
Le Centre d’Opération de Rio (COR), que le maire, Eduardo Paes, préfère qualifier de « Centre de Commande et de Contrôle (CCC) » quand il écrit dans la presse américaine, représente la version la plus avancée des smart cities telles que les conçoivent les grandes compagnies. Conçu et réalisé par IBM avec une poignée de partenaires, le centre est le premier à intégrer tous les services d’une municipalité de cette taille. Plus d’une trentaine en l’occurrence.
Il permet de centraliser les informations et de prendre des décisions. Les données arrivent des quatre coins de la ville et sont recueillies de toutes les façons possibles. 70 employés vêtus de blancs s’y agitent devant des murs d’écrans comme dans un labo ou dans un centre d’exploration spatiale. IBM fournit des « logiciels qui en tirent du sens » (sense-making software, selon l’expression de Guru Banavar qui a joué un rôle clé dans l’installation). « Quand vous avez l’information, que vous la comprenez et que vous savez quoi en faire, vous êtes déjà à demi smart », estime-t-il.
Le maire, aussi bien qu’IBM ont une histoire très au point pour vendre l’installation du CCC. L’origine en serait des inondations dramatiques face auxquelles, en 2010, la ville s’est retrouvée impuissante. C’est vrai. Mais les villes ne sauraient se proposer de devenir plus « intelligentes » sur le seul modèle du traitement de choc aux coûts exorbitants. Elles doivent aussi (certains diront d’abord) se donner les moyens d’améliorer la vie de tous les jours.
C’est là qu’intervient « l’acupuncture urbaine » mise en place par Jaime Lerner, ancien maire de Curitiba. Au lieu de projets gigantesques concernant l’ensemble d’une agglomération, elle s’attaque à la rénovation et à la revitalisation de lieux précis, immeubles, pâtés de maison, carrefours ou autres.
« Des interventions stratégiques ponctuelles peuvent créer une énergie nouvelle et contribuer à la consolidation du scénario souhaité, » explique Lerner dans un article publié sur les blogs de la Harvard Business Review. « L’acupuncture urbaine consiste à revitaliser une zone « malade » ou « épuisée » (et ses alentours) en touchant simplement un point clé. Comme dans l’approche médicale, cette intervention déclenche des réactions en chaîne positives qui contribuent à guérir et à améliorer le système dans son ensemble ».
Rio, comme Curitiba, comme toutes les villes du monde confrontées au même problème que Guru Banavar, issu du secteur recherche d’IBM, pose à sa façon : « Les systèmes grands et complexes m’attirent. Pouvez-vous penser à un système plus complexe qu’une ville » ?
Même si nous avons du mal à la comprendre, la solution qu’il propose est utile, comme peut l’être une intervention chirurgicale compliquée, un traitement de chimiothérapie. Mais pour améliorer la ville la métaphore du métabolisme nous aide tous à saisir la nécessité « de voir le système urbain comme un tout si nous voulons mieux comprendre et résoudre les problèmes complexes ». Et à agir sur eux comme Lerner à Curitiba.
Nous sommes nombreux à voir des médecins traditionnels, à passer sur la billard des chirurgiens ET à rendre visite à l’acupuncteur, à l’homéopathe. Pour nos villes, trop souvent malades, nous avons aussi besoin de ces deux médecines. Méfions-nous des tenants d’une seule école. Terre de métissage, le Brésil est un bel exemple.
Crédit photo : Thunderchild7/Flickr/CC