La compétition pour le titre de personnalité de l’année 2013 s’est limitée au pape François et au dissident Edward Snowden. Time Magazine a préféré le pape.
Comme d’autres, je choisis Edward Snowden. Je propose même d’en faire la personnalité de l’année 2014, celle qui devrait nous inspirer.
Revenons d’abord sur l’an dernier :
- Comme pape, François a toute ma sympathie. Non seulement en raison du nom (Francis en anglais, of course) mais parce qu’il dérange une institution : la plus ancienne.
- Ne hurlez pas : je parle de l’institution en tant que mode de fonctionnement (par opposition aux hétérarchies, panarchies et autres réseaux dont l’efficacité croît grâce, notamment, aux technologies de l’information).
Mais si François avance à petits pas, Edward jette un pavé contre les pouvoirs :
- Ses révélations l’ont fait choisir comme personnalité de l’année par Foreign Policy, le New Yorker, The Daily Beast, EuroNews, un éditorialiste du Washington Post, The Guardian et USA Today.
- En le déclarant second, le magazine Time a vu en lui un « Dark Prophet » et Forbes s’est déchaîné contre sa « trahison sommaire ». Mais le comité éditorial du New York Times a demandé la clémence pour lui au vu de « l’énorme valeur des informations qu’il a révélées et des abus qu’il a rendus publics ».
Edward Snowden mérite mieux, pourtant, qu’un buste dans le musée fugace de l’histoire récente d’une civilisation qui oublie trop vite. Il devrait être une inspiration pour l’action et la réflexion. L’action d’abord.
- Malgré les réticences de l’administration Obama – qui fait tout ce qu’elle peut pour réduire les dégâts visibles de ses pratiques outrageuses –, gouvernement et Congrès vont devoir changer quelques procédures. A l’opinion publique d’obtenir qu’il ne s’agisse pas d’une mascarade.
- Ça ne concerne pas que les Américains. La France est une des premières complices de la NSA. Nous devons agir nous aussi.
- Et il ne s’agit pas que des gouvernements. La question est comment contrôler ceux qui savent tout de ce que nous aimons, pensons, faisons, qu’il s’agisse des Etats ou des grosses entreprises. Nationales ou étrangères.
Au fond, Edward Snowden nous invite à réfléchir sur l’évolution de nos sociétés dans lesquelles les TIC jouent un rôle croissant. Souvent libérateur, mais pas toujours. Se scandaliser ne suffit pas. Nous devons sans cesse revenir :
- Sur la nature changeante du pouvoir à l’heure des bouleversements technologiques que nous connaissons, comme le fait remarquer Mark Ames dans PandoDaily.com.
- Sur l’autre face des TIC, celle du contrôle accru, moins glorieuse mais pas moins réelle que sa face transformatrice.
La tension entre les deux invite à une lutte constante pour contrôler les contrôleurs. C’est impossible sans prendre des risques, sans désobéir comme l’a fait Edward Snowden. Pour faire bouger le schmilblick, nous aurons toujours besoin de réformistes, comme François, et de perturbateurs, comme Edward. Mais c’est ce dernier que je propose comme inspiration. Pas seulement en 2014.
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Crédit photo : CC/Mike Herbst