sphericalcow.1215098437.Jpg Les graphes représentant les réseaux sociaux auxquels nous sommes connectés sont appétissants. Ils permettent de faire de belles présentations en PowerPoint, mais « ça n’est pas parce qu’une image est jolie qu’elle est utile » rappelle Éric Bonabeau.

Président-fondateur d’Icosystem et spécialiste des systèmes complexes, Bonabeau a saisi l’occasion de Supernova 2008 , la conférence qui s’est tenue à la mi-juillet à San Francisco pour dénoncer la mode du « graphe social ». Il s’agit « de constructions mentales, de métaphores » dont les scientifiques se servent pour créer des modèles. Mais ça reste très loin de la réalité. C’est un peu, dit Bonabeau, comme si pour étudier la production de lait d’une vache on commençait par assumer qu’elle est sphérique .

Tout le problème est que le graphe en question ne nous parle jamais que de la distribution des nodes (noeuds), la partie la plus facile à identifier mais la moins utile d’un réseau. « Il ne suffit pas d’en avoir la topologie, » estime Bonabeau, « il faut savoir à quoi il sert. Il faut distinguer entre « structure et fonction ». La structure étant la topologie et la fonction, l’activité.

Il ne suffit pas (c’est ce que je comprends) de savoir où sont les nodes et lesquels sont connectés, il faut savoir ce qui passe par ces liens, la nature et la qualité des échanges, des flux… et pouvoir rendre compte de leurs articulations complexes, de l’activité d’ensemble.

Une autre limite de l’approche structurelle a été mise en cause par Raissa D’Souza, chercheuse à l’Université de Californie – Davis pour qui « de nombreux réseaux ont des topologies comparables et des activités très différentes. » On ne prend pas assez en compte le fait que les nodes dépendent énormément du contexte dans lequel ils se trouvent. C’est ainsi qu’une connectivité intense peut être une bonne chose pour des réseaux sociaux et un vrai problème dans le cas des épidémies (pour la compréhension desquelles la science des réseaux est d’une utilité considérable) dans la mesure où elle facilite la transmission de la maladie.

Albert-László Barabási, l’auteur connu de Linked , m’avait déclaré lors d’un entretien réalisé par courriel en 2002: « De nombreux processus dynamiques ont lieu le long des liens; les comprendre est la prochaine frontière de la recherche en matière de réseaux. »

Fonction, contexte, dynamique des liens… voilà de passionnants sujets de recherche si vous voulons mieux comprendre ces réseaux sociaux auxquels nous attachons tant d’importance… et que nous utilisons de plus en plus.

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...