Différentes, les grandes réunions mondiales sur les villes, intelligentes ou pas, plus ou moins préoccupées de technologie, de justice sociale ou de démocratie, se succèdent à un rythme accéléré. Elles contribuent ainsi, qu’il s’agisse de la Smart City Expo World Congress ou d’Habitat III, à l’enrichissement d’un débat essentiel : quel futur pour nos villes ?

Sous le titre « Les villes pour les citoyens » conférence Smart City Expo World Congress vient de se tenir à Barcelone du 15 au 17 octobre. Une évolution significative pour une conférence annuelle lancée il y a six ans sous le signe du tout technologie et des grandes entreprises qui proposent de tels services.

Organisée par les Nations Unies Habitat III qui s’est tenue à Quito du 17 au 20 octobre a pour sa part fait avancer le débat dans trois directions : elle a été le fruit d’un long processus impliquant des dizaines de milliers de participants dans le monde entier ; elle a reconnu l’importance des villes et des territoires comme acteurs, ce qui n’est pas un moindre pas pour une conférence d’États. Enfin, elle a remis en question son rythme traditionnel qui consistait à se réunir tous les 20 ans pour s’engager dans des discussions quadri annuelles plus en phase avec la rapidité des changements.

  • Étalé sur des années, le travail de préparation a donné lieu à une déclaration appelée le Nouvel Agenda Urbain. Plus intéressant encore, il a suscité plusieurs débats que nous avons déjà évoqués en lever de rideau : choix entre ville inclusive et ville compétitive, tension entre « smart cities » et « smart citizens », reconnaissance (ou non) du « droit à la ville » entre autres.
  • « Pour la première fois, l’ONU reconnaît la force des villes avec les organisations internationales représentant les Maires et Dirigeants de Collectivités Locales, et encourage leur gouvernance ainsi que la participation de l’ensemble des acteurs de la ville, à ses étapes de production et de gestion » explique Carlos Moreno dans La Tribune.
  • Le texte avait été adopté au préalable après un long et très sérieux processus de discussion qui a permis de la doubler d’un Plan de mise en œuvre hélas trop vague.
  • En positif on trouve la définition de 6 concepts clés pour les villes qui doivent être : compactes, inclusives, participatives, résilientes, sûres et faire place au développement durable.
  • Au niveau des grands principes on retiendra l’adoption du « droit à la ville ». « La communauté internationale reconnaît que le futur se construit dans les villes » explique l’architecte et chercheuse indienne Mukta Naik tou en précisant qu’elle ne peut pas se contenter « d’être un support de développement au profit des plus riches » mais doit aussi « assurer des conditions de vie correctes à tous ses habitants » comme l’a souligné Le Monde.
  • Une des rares mesures concrètes a été la création d’un Fond spécial pour aider les villes dans leur lutte contre le réchauffement climatique. Plusieurs mécanismes de financement ont été annoncé dont un pour intégrer la résilience au changement climatique dans leurs plans de développement. Le plan sera mis en œuvre par le C40.

On comprend que la réunion ne se soit pas faite dans une ambiance feutrée. Beaucoup de manifestations de protestation ont été organisées pendant la conférence parmi lesquelles on remarque « résistance à Habitat » qui regroupait 100 ONG de 35 pays. Elles ont émis un texte alternatif sous le titre « Déclaration pour la défense de nos territoires ».

A l’intérieur certains débats n’ont pas manqué de vigueur, comme celui sur la remise en question des modèles de captation de valeur c’est à dire le fait que le public paye l’infrastructure alors le privé tire parti de la plus-value qui en résulte. Ce qui donne lieu à des propositions radicales dont celle proposée par le président de l’Équateur Eduardo Correa qui consisterait à limiter la plus-value réalisable sur un terrain à 7,5% de l’augmentation du prix entre l’achat et la vente. D’autres se contentent de demander aux promoteurs de consacrer une partie des constructions à des logements sociaux.

Professeur catalan proche des efforts réalisés à Barcelone, Joan Subirats remarque que le mot démocratie ne figure pas dans la déclaration finale. On ne mentionne les technologies que comme une opportunité sans parler des problèmes qu’elles peuvent entraîner. Il est loin d’être le seul.

Co-présidente de l’événement avec celle de l’Équateur, la délégation française sort, pour sa part plutôt contente. Henry de Cazotte, représentant spécial du Ministère des Affaires Étrangères, y voit « l’aboutissement de la plus grande négociation multilatérale… On est passé à un agenda universel, pour tous les pays et tous les acteurs, intégrateur des trois cycles : la lutte contre la pauvreté, le développement durable, la lutte contre le changement climatique ».

Il se félicite de l’accélération du rythme des rencontres : « On a donc en principe un dispositif qui permet de suivre la mise en œuvre avec des rendez-vous plus rapprochés » m’écrit-il par email. « Ce qui est intéressant dans Le cycle d’Habitat c’est qu’il y a une communauté d’acteurs qui vit avec le rythme des Forums urbains mondiaux ».

Plusieurs pays d’Afrique et de la Chine ne sont pas trop d’accord, mais la montée en puissance des villes commence à être reconnue. Ceci n’interdit pas une vraie déception : « le texte est indigeste, peu clair pour les non-initiés, et difficile à vendre. Et nous avons gardé pour après Quito des sujets que nous n’avons pas pu finaliser : comment est-ce que le dispositif multilatéral prendra à bras le corps et de façon intégrée le sujet urbain : il y a un texte commun, mais un très important saut opérationnel est à attendre, surtout en termes de volume d’activité et en changement d’attitude vis à vis des villes ».

Le plus important maintenant est de poursuivre et d’approfondir le processus, de continuer les discussions et, surtout de faire atterrir ces belles résolutions dans des réalisations concrètes partout dans le monde.

 

Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 18 Novembre 2016.

Photo Wikimedia Commons (Port au Prince, Haïti, après le tremblement de terre de 2010 – CC BY-SA 2.0)

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...