Article publié dans le supplément Science&Techno du Monde du 24 décembre 2011
Père du service My Location de Google où il a travaillé 5 ans, comblé d’honneurs à Silicon Valley, docteur del’Université du Maryland, Adel Youssef, 39 ans, a décidé de revenir s’installer en Égypte, son pays d’origine. C’était en 2010, avant la révolution, qu’il a interprété comme « un signe que nous étions sur la bonne voie ».Il fait pourtant partie du très petit groupe (14 exactement) de lauréats du Google Founders’ award, une récompense accordée aux employés ayant réalisé des projets « phénoménaux » selon les propos de Sergey Brin.Adel Youssef est un ponte des services basés sur la localisation (Location based services). « C’est mon bébé » m’a-t-il dit au cours d’un entretien sur Skype. « Je l’ai monté à partir de zéro. C’était un énorme changement car tous les appareils n’ont pas de dispositif GPS. My Location vous situait au départ grâce aux antennes téléphoniques (phone towers) auxquelles nous avons ajouté les dispositifs WiFi. C’est aujourd’hui le système de localisation le plus utilisé dans le monde: sur Android, sur l’iPhone, sur les téléphones Nokia, partout. »Mais ce qui est « hot » aujourd’hui, selon Adel Youssef, c’est l’information hyperlocale et les services de check-in social où il faut s’enregistrer quand on arrive dans un endroit pour le faire savoir à ses amis et connaissances.C’est ce qu’il veut développer en Égypte où il se heurte à trois challenges.- 1% à peine des téléphones sont des smartphones – « certains peuvent se connecter à l’internet mais les gens ne s’en servent pas » explique Youssef;- Le cloud computing est encore très rare, ce qui rend difficile de constuire une app pour mobile qui y tire ses informations;- Le plus difficile est sans doute qu’il n’y a pas ou très peu de données géographiques. Il faut construire les basesde données et trouver le moyen de les maintenir à jour.Wireless Star, son entreprise, s’attaque à tout ça à la fois. Pour la constituer il a convaincu 5 collègues émigrés en Californie de rentrer au pays. L’opportunité est à la taille des défis mais, insiste Adel Youssef, « c’est d’abord pour transférer la technologie que nous sommes rentrés. » Les jeunes représentent un potentiel énorme « ils ontl’enthousiasme mais ils ont besoin qu’on leur montre le chemin, qu’on leur dise sur quoi concentrer leurs efforts, comment monter une start-up. »La première réalisation de Wireless Star a été Intafeen.com, un réseau social reposant sur l’utilisation de lalocalisation géographique. C’est, en fait « une plateforme dans les nuages, utilisable par des centaines dedéveloppeurs arabes. Nous avons une API qui peut fonctionner avec des applications mobiles et des appareils sans GPS. C’était la première chose dont nous avions besoin. »Comme aux États-Unis il y a six ans, les arabes ignorent ce que sont les services basés sur la localisation. Au lieu d’attendre que les choses murissent naturellement Youssef et son équipe ont décidé de construire Intafeen. Mais il s’agit de toute autre chose que d’une copie de FourSquare. »La façon d’être local d’un service de localisation est essentielle, » explique Youssef. « Nous ne pouvons pas parler icide bars ni de sushi clubs. Les Américains parlent de « rats de gymnase », en Égypte ça serait une insulte. Les noms des badges doivent être adaptés. Il n’y a pas de maires ici mais des Umda, dans le golfe ils ont des scheiks. » C’est trop compliqué à mettre en place pour qu’un acteur global s’y intéresse alors que l’expertise et l’expérience deYoussef sont essentiels.Mais qu’en est-il de l’innovation dans un tel processus? »A ce stage je n’en ai rien à faire. Ce qui m’importe c’est de construire la technologie et de me l’approprier. Notre équipe a les capacités pour cela. L’innovation vient en second. »