Ceux quis’interrogent sur la façon dont l’internet bouleverse nos activités les plusimportantes – en particulier la presse – disposent avec La presse sansGutenberg, d’un livre à la fois concret et stimulant pour la réflexion (voir cebillet).

Selon ses deux auteurs, Jean-François Fogel et Bruno Patino, la presse est obligée de  changer sous la double pression del’audience et des algorithmes.

Ces derniers sontau cœur du fonctionnement des moteurs de recherche, principale source d’accèsaux sites d’information. Ils permettent à Google News, Yahoo News et leurssemblables de nous présenter un classement acceptable de l’information publiéesur des milliers de sites. Plusieurs fois par heure ils refaçonnent des sitescomme LeMonde.fr en fonction de l’actualité, du trafic, et des sujets quiattirent les lecteurs.

« Produire l’information compte pour trèspeu, écrivent Fogel et Patino : elle est partout disponible. » Qu’ilest bon que de vrais journalistes le disent ! Mais ils ajoutent aussitôt :« En revanche, maîtriser sa recherche et son transfert deviennent lesactivités essentielles. Tout média qui s’installe en ligne se soumet à cette hiérarchiedans un jeu neuf où les hommes rivalisent avec des systèmes. »

Ilsintitulent même un de leurs sous chapitres « Algorithme, mon semblable,mon frère ».

L’audience,pour sa part, est plus présente, plus participante, plus agressive que jamais.Elle a les moyens de s’exprimer et elle s’en sert. Elle doit en partie sonimportance au fait que sur l’internet, « la référence de la presse est letrafic ».

Maisl’audience, pour Fogel et Patino, est doublement fragmentée. D’une part lescontenus perdent la cohérence de la hiérarchie traditionnelle proposée par lesrédactions (on y arrive de multiples façons et on tisse ensuite sonitinéraire). Le public qui y accède éclate en niches isolées. L’internet est lemédia ultime, partout présent, mais la dernière phrase du livre estimplacable : « C’est le média sans masse, instantané, le réseau oùchacun se déplace trop vite pour être le témoin, même furtif, de sa propresolitude. »

Ça mérite unediscussion.

La fragmentationde l’audience est incontestable pour les médias traditionnels qui se situentdans une certaine géographie physique, nationale ou locale. Mais sur le netl’audience se restructure en réseaux sociaux qui créent leurs proprescommunautés de sens. Les nouveaux médias sont « sans masse » mais pas« sans réseaux ».

C’est, pour moi,ce qu’il y a de plus nouveau, de plus compliqué à saisir et à expliquer.

J’ai demandé àFogel ce qu’il en pensait et je vous donnerai sa réponse avant la fin de lajournée.

N’hésitez pas àdonner la votre en attendant.

 

[Image d’algorithmetrouvée sur le site du Labo de réalité virtuelle de l’École Polytechnique Fédéralede Lausanne. Image de réseau trouvée sur le site de Seiconnesso.net]

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...